Je revins à la réalité. Ma mère et Sophie m'observaient avec anxiété. Edmond, qui me tenait à présent par les épaules, me disait que tout allait bien. Agathe, quant à elle, me contemplait sans mot dire. Je m'aperçus que j'étais sur le point de pleurer.
« Je me souviens, dis-je d'une voix tremblante. Cela n'allait plus tellement entre vous... Oh maman ! Pourquoi étais-tu si anxieuse à propos de nos études ! Tout allait bien !
-Je sais... soupira-t-elle, mais j'avais peur, peur que l'une de vous tourne mal... comme je l'avais fait... Je ne sais pas si tu te rends compte... Quand ton père disait en riant que j'étais une rebelle... C'était une euphémisme !
-Je sais... je l'ai découvert... Nous avons mené notre petite enquête. Répondis-je en désignant Agathe et Edmond d'un geste de la main.
-Que s'est-il passé ensuite ? demanda Sophie.
-Et bien, c'est à cause de toutes ces disputes que je suis partie. Je me disais que j'allais simplement m'absenter pour quelques jours et revenir pour lui faire comprendre que je pouvais m'en aller à tout moment sans problèmes.
-C'est une attitude mesquine et puérile ! s'exclama ma belle-mère.
Maman l'ignora.
-Et je me suis dit que pour l'énerver, j'irai avec Brian Josh. »
Elle rougit légèrement devant mon regard scandalisé.
-Tu es retournée avec un type qui t'avais battue à mort quand tu avais 17 ans parce que tu voulais quitter leur bande, simplement pour énerver papa ?!
-J'étais complètement perdue ! Je voulais retrouver une certaine forme de liberté que je n'avais plus, une certaine jeunesse en somme. Je désirais m'échapper, m'échapper de toutes ces choses qui me stressaient, juste pour quelques jours... Sans compter que ma relation avec Brian était très particulière... Il me connaissait si bien... Même si effectivement il avait été violent avec moi par le passé, je n'arrivais pas à oublier les moments où il m'avait aidé. C'est un personnage très... particulier. Il peut-être attachant, persuasif, charismatique... Il est difficile de le quitter... C'est pour cela qu'il fait un excellent leader.
-Mais nous avions BESOIN de toi. Nous étions ta FAMILLE. N'étais-ce pas suffisant pour te faire revenir ?! »
Maman baissa la tête.
« J'avais prévenu Simon que je n'étais pas faite pour ça, la vie de famille. Il y aurait toujours un moment où j'aurais besoin de... prendre l'air, si je puis dire. Sauf que ce moment a duré plus longtemps que prévu. Au bout de trois jours, j'ai vraiment vu ce que faisaient Brian et ses acolytes.
-Quoi donc ? interrogea Agathe, très intéressée.
-Du trafic de drogue.
La fillette émit un petit sifflement.
-Eh oui. Mais je n'avais pas du tout envie de m'embarque là-dedans, alors, je me suis enfuie.
-Pourquoi n'as-tu pas appelé la police ? Ou pourquoi n'es-tu pas revenue ?
-Parce qu'ils avaient des contacts implantés dans la police, des personnes susceptibles de les couvrir s'ils se faisaient prendre, et de fermer les yeux sur leurs agissements. De plus, je ne pouvais pas revenir à la maison car j'en savais trop, ils auraient pu s'en prendre à vous pour me faire payer ce nouvel abandon. J'ai donc préféré prendre la fuite... en leur volant quelque chose pour être sûre qu'ils me poursuivent, afin de les entraîner le plus loin possible de vous. J'ai passé cinq ans à parcourir les routes. Malheureusement, j'ai eu la bonne idée de venir me réfugier dans le village où vous vous étiez installés...
Ma mère tira de sous son t-shirt un collier en forme de papillon. Les ailes étaient incrustées de rubis et de diamants.
-Bien, vous avez terminé votre récit ? demanda Sophie.
-Oui, ça y est, gronda maman. Allez-y, déchaînez-vous sur moi. »
Le ton de sa voix laissait clairement entendre qu'elle n'avait pas intérêt à essayer. Faisant fit de cet avertissement implicite, ma belle-mère alla se poster face à elle. Sophie était légèrement plus petite, mais elle n'en restait pas moins impressionnante. Je me demandais à présent comment j'avais osé être désagréable avec elle, et comment elle avait réussi à rester aussi calme. Si j'avais su qu'une lionne sommeillait en Sophie Lebrun, je me serais bien gardée d'ouvrir la bouche.
« Vous êtes une femme totalement irresponsable, impulsive et immature...
Mais j'en avais assez.
-STOP !
Ma belle-mère me regarda d'un air outré.
-Maëlys, je ne te permets pas de...
-Je vous interdis de lui donner un ordre devant moi ! s'exclama maman.
-Je peux m'octroyer ce droit, parce que c'est moi qui m'en suis occupée pendant que vous étiez en train de faire votre crise post-adolescence !!
-Comment osez-vous...
-Je pense, dit une voix calme, que Maëlys a quelque chose d'important à dire, et qu'il vaudrait mieux la laisser s'exprimer. »
Les deux femmes se tournèrent avec surprise vers Edmond.
« Merci. Lui chuchotai-je.
-J'ai mené l'enquête sur ton passé, repris-je. Avec Edmond, nous avons trouvé un journal de papa qui relatait tout ce qui c'était passé durant votre jeunesse. Ensuite, j'ai écouté ton histoire et... Même si tu es revenue avec un type totalement irresponsable et infect tel que Brian Josh, j'ai compris que par la suite tu as simplement désiré nous tenir à l'écart de tout danger... J'aurais quand même voulu que tu nous consultes, que tu te confies à nous... Ton absence m'a fait atrocement souffrir j'ai presque du mal à croire que tu sois là tant je me suis habituée à cette douleur !
Je pris une profonde inspiration.
-Malgré cela, je suis prête à considérer tout cela de ton point de vue. Je suis prête à te pardonner. »
Un grand sourire se dessina sur le visage de ma mère.
« Mais il va quand même falloir un peu de temps... » l'avertis-je.
Elle hocha la tête, les larmes aux yeux. Maman m'ouvrit grand les bras et je m'y précipitai. Elle me serra contre elle à m'en étouffer. Je sentais sa respiration saccadée, et compris qu'elle pleurait. Sophie se mit à renifler à son tour.
« Quoi, vous pleurez maintenant ! grogna ma mère.
-Vous... snif...avez tellement de la chance
Agathe se mit alors à hoqueter avant de laisser échapper de longs sanglots déchirants :
-OUUUUUUUIIIIINNNNNNN c'est encore plus émouvant que lorsque Sherlock Holmes est tombé dans les dans Le dernier problème !
-Allons, allons calme-toi ! » dit doucement Edmond en la prenant dans ses bras.
Maman s'assit sur une chaise et je m'installai confortablement sur ses genoux, en décidant que je ne voulais plus en bouger jusqu'à la fin des temps.
Un bruit de clé dans la serrure de la porte d'entrée interrompit soudain mes pensées.
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Le Papillon Rouge
Teen FictionDerrière chaque personne peut se cacher un secret extraordinaire. Maëlys, 15 ans, ressemble à de nombreuses jeunes filles de son âge, malgré ses yeux vairons et sa mèche rebelle. Elle se dispute avec sa belle-mère, découvre les premiers émois de l'...