La coupure de journal était roulée en boule dans ma main. Assise à mon bureau, cachée par l'écran de mes cheveux, j'essayai de ne pas prêter attention à mes camarades de classe qui ne cessaient de me fixer à intervalles réguliers Je passais les heures de cours dans un état second. Mes tempes battaient, j'avais chaud. J'espérais que la fièvre revienne pour que je puisse m'échapper d'ici.
Lorsque la sonnerie annonçant la récréation de dix heures retentit, je me précipitai hors de la salle. Où me cacher ? Le CDI ou les toilettes étaient exclus, on viendrait forcément m'y dénicher.
« Le toit. Me dis-je.
Et, pour la première fois, faisant fit du panneau qui indiquait : « Ne pas monter sur le toit danger », je poussai la porte et commençai à grimper les escaliers quatre à quatre. Arrivée en haut, je m'accoudai à la balustrade. De ce côté-ci j'avais vu sur la forêt qui entourait le lycée et le parking où se garaient les cars lorsqu'ils déposaient les élèves, sans oublier les voitures des enseignants. J'observai vaguement la prof d'histoire, fumer une cigarette avec frénésie.
« Que faire ? Que faire ? » marmonnai-je en appuyant la tête contre la balustrade glacée. Je frissonnai, je n'avais pas pris de manteau.
Retourner en classe, me mettre devant le tableau noir et dire :
« Voilà, ma mère a disparu en 2011, nous ne savons pas où elle est, nous vivons cette perte difficilement mais nous avançons bravement face à l'adversité ? » Ou encore :
« Écoutez, cet article de journal était une erreur, ma mère n'a pas disparu il y a cinq ans, ma mère se nomme Sophie Lebrun. »
Ridicule, ma réaction avait prouvé le contraire. Je repensai à l'expression de Saba. On aurait dit qu'elle ne m'avait jamais vu. Je songeais à mon année de 6e, aux questions incessantes, aux suppositions hasardeuses, à Odilon Gédéon couvert de purée...
« Hé ! » fit une voix dans mon dos.
J'étais tellement absorbée par mes pensées que je ne l'avais même pas entendu ouvrir la porte. J'étais seule, sans aucun moyen de m'échapper. Il y avait deux autres garçons avec lui, (des terminales de toute évidence). J'étais piégée.
***
Odilon Gédéon s'avança vers moi avec un sourire satisfait. Ou plutôt il fit trois pas avec un sourire de triomphe, la balustrade n'était pas grande.
« Salut Maëlys, ça n'a pas l'air d'aller fort ce matin, tu es toujours malade ?
-Toi. Articulai-je avec difficulté, la voix vibrante de colère. C'est toi qui a diffusé la coupure de journal.
-Il ne faut pas mentir à ses petits camarades Maëlys, ça ne se fait pas !
Je serrai les dents.
-Quel est ton objectif ? Qu'est-ce que ça t'apporte que tout le monde sache que ma mère a disparu ?!
-Oh... simplement joie de la vengeance !
-Écoute, dis-je d'un ton désespéré, arrêtons cette mascarade ! Je m'excuse de la part de ma sœur pour ce qui s'est passé à la cantine ! T'en prendre à moi ne changera rien au passé ! Oublions cette journée !
-Cette journée ! s'exclama le jeune homme avec un rire sans joie. Oui, pour la pauvre petite Maëlys Black, ce regrettable incident n'a duré qu'une seule journée ! Mais pour moi elle a duré tout le reste de mon année de 6e ! Sans compter le début de ma 5eégalement ! J'étais devenu le looser de la cantine !
Il s'était encore rapproché, j'étais dos contre la balustrade. Ses acolytes de terminale semblaient légèrement inquiets. L'un d'eux tenta de dire quelque chose mais Odilon reprit la parole, couvrant sa voix. Il n'était plus qu'avec moi et ses souvenirs.

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Le Papillon Rouge
Teen FictionDerrière chaque personne peut se cacher un secret extraordinaire. Maëlys, 15 ans, ressemble à de nombreuses jeunes filles de son âge, malgré ses yeux vairons et sa mèche rebelle. Elle se dispute avec sa belle-mère, découvre les premiers émois de l'...