Chapitre 35: Dans la grange

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« Maman part à Paris dans quatre jours. Dis-je à Edmond. Papa lui a réservé un billet de train. Elsa et moi irons la voir pendant les vacances, cela te dirait de venir passer quelques jours avec nous ?

-Bien sûr ! s'exclama mon ami avec enthousiasme. Mais... ajouta-t-il après un instant de réflexion, je ne veux pas vous déranger... ne voulez-vous pas passer quelques jours seules avec votre mère ?

-Ne t'en fais pas, tu ne nous dérangeras pas ! D'ailleurs je ne suis pas sûre que tu puisses rester longtemps malheureusement, son logement est plutôt étroit... »

Nous étions assis sur un tas de paille. Edmond avait réussi à dénicher un grange à l'abri des regards. Elle était visiblement inutilisée depuis de nombreuses année. Le toit comportait de nombreux trous et un vieux panneau «A vendre » se détachait peu à peu de la façade.

« Sans compter qu'Agathe voudra peut-être venir... ajoutai-je.

-En parlant de ma sœur, commença mon ami d'un air préoccupé.

Il s'interrompit.

-Qu'est-ce qui se passe ?

-Tu vas sûrement penser que j'ai mal agi, mais... enfin...

-Edmond, repense à toutes les fois où j'ai mal agi ! Comment pourrais-je t'en vouloir ?

-D'accord. Et bien, comme tu le sais, ma mère paraît prête à assumer à nouveau le rôle de parent responsable...

En effet il m'avait annoncé qu'elle avait pris un mois de congé complet et avait appelé le père d'Edmond pour qu'il vienne passer quelques jours avec eux.

-Donc j'ai décidé de lui parler de la manie d'Agathe d'écouter aux portes... notamment après la conversation qu'elle nous a rapporté hier...

Je hochai la tête d'un air sombre. La veille était venue nous voir alors que nous étions en train de nous amuser avec Lupa dans le jardin. Elle nous avait alors dit les yeux brillants qu'elle avait des informations très importantes à nous communiquer. Mon père et Sophie avaient eu une discussion très importante qu'elle avait entendu « par hasard ». Ma belle-mère avait demandé de butte en blanc à papa s'il aimait encore ma mère.

« Oui, avait dit papa, malheureusement oui, je l'aime toujours.

Sophie avait alors laissé échapper un sanglot.

-Mais cela n'a pas d'importance ! s'était-il exclamé en la prenant par les épaules. Je t'aime toi aussi et encore plus ! C'est toi que j'ai choisi Sophie ! Ne t'inquiète pas.

-Là-dessus il y a eu des bruits mouillés dont je n'ai pas réussi à déterminer la nature ! avait conclu la fillette. Je compte bien sûr consigner cela dans le dossier de l'enquête... Vous savez que je l'ai refait entièrement avec de nouveaux intercal... ?

Edmond avait ouvert la bouche pour exprimer sa désapprobation mais je l'avais devancé :

-Non mais qu'est-ce qui t'as pris d'écouter une conversation pareille ?! C'était PRIVE ! Privé ! Pourquoi n'es-tu pas partie ?!

-Mais c'était pour...

-Arrête avec ce fichu dossier ! L'enquête est terminée ! Maman est de retour, je n'ai plus besoin de tes services ! »

Je n'aurai certainement pas dû le formuler ainsi, car Agathe avait eu l'air extrêmement blessée. Puis son visage avait prit une expression mauvaise que je ne lui avais encore jamais vu :

-Très bien. Avait-elle lâché froidement. Je ne m'en mêlerai plus à l'avenir... Je m'occuperai de mes propres affaires... »

Et elle était partie à grands pas. J'avais ouvert la bouche pour la rappeler mais son frère m'avait posé une main sur le bras : « Laisse, quand elle a cette expression, il ne vaut mieux pas l'approcher. »

J'étais donc impatiente de savoir ce qu'avait prévu de faire la mère d'Edmond pour remédier à cela. Mon ami fit la grimace.

-Maman veut l'envoyer dans une pension anglaise.

-Quoi ?! Mais la sanction est beaucoup trop lourde ! Je pensais que peut-être elle serait punie pendant quelques jours ou qu'elle lui aurait expliqué que...

Edmond secoua tristement la tête.

-Elle veut faire les choses en grands. Pour commencer, elle a fait passer des tests à ma sœur. Sans surprise, c'est une petite surdouée au QI incroyablement élevé ! Ensuite, ma mère a été voir sa maîtresse pour savoir comment se passait les cours pour elle... Sa prof lui a alors dit qu'Agathe était souvent seule en classe et se « chamaillait » parfois avec d'autres enfants... Il s'est avéré qu'elle subissait des brimades de la part d'une bande de filles...

-QUOI ?!

Edmond serra les poings, le regard noir.

-Quand je pense que cette bonne femme le soupçonnait et qu'elle n'a même pas levé le petit doigt...

-Mais pourquoi ne nous en a-t-elle pas parlé ?! m'écriai-je. Après Odilon...

Il hocha la tête.

-Ce n'était pas facile pour elle d'en parler... Enfin, toujours est-il que cela a conforté ma mère dans l'idée de la changer d'école... Sans compter que cette pension est justement pour surdoués...

-Ce n'était cependant pas la peine de l'envoyer si loin...

-Maman connaît la directrice... elle pense qu'elle peut avoir ma sœur à l'œil...

-C'est une catastrophe... marmonnai-je.

-Je crois que je préférais presque quand elle était en voyage...

-Ne dit pas ça, je crois qu'elle veut juste rattraper le temps perdu... à sa manière.

-Tu ne sais pas tout, continua Edmond sans prendre garde à mon interruption. Évidemment ma sœur était furieuse contre moi parce qu'au lieu de la soutenir j'avais contribué à son « exil »... Elle a donc lâché que nous... enfin... euh... qu'elle avait 99% de bonnes raisons de croire que... euh... nous nous étions embrassés...

-Oh non...

-Si... mais comme elle n'avait pas de preuves... Enfin, j'ai quand même eu droit à la conversation.

La conversation était le petit discours que faisaient tous les parents à leurs enfants en apprenant qu'ils avaient un ou une petit(e) ami(e) afin de leur rappeler l'importance du rapport sexuel protégé. Ils semblaient avoir le pouvoir pour rendre cette discussion à la fois floue, pleine de sous-entendus et peu instructive.

-Bon, dis-je en soupirant, il va falloir que j'ai une conversation d'un autre genre avec Agathe. »

Le Papillon RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant