Chapitre 6 : Élémentaire, mon cher Watson !

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Le mois de septembre passa à toute vitesse. Je me liais définitivement d'amitié avec Edmond. Je m'aperçus très vite que tout le monde semblait l'apprécier, mais qu'il ne recherchait pas spécialement la compagnie de nos camarades de classe, même celle de Saba. Quand la jeune fille nous invitait à venir manger avec eux à la cantine, il était souriant mais restait silencieux. Lorsque j'osai lui demander pourquoi il préférait se tenir à l'écart des autres, il me répondit :

« Je les connais depuis l'enfance. Notre village est minuscule, comme je te l'ai dit la première fois que nous nous sommes vus, nous allons tous à l'école au même endroit. Et depuis l'enfance, les même rivalités, les mêmes querelles existent. Ils ne changent pas, ils semblent figés dans le temps. Je ne peux plus les supporter. Même Saba. Ses diatribes contre Lavande, (même si je l'approuve cela va s'en dire), finissent par me lasser. Ton arrivée est une bénédiction, elle apporte un peu de nouveauté ici ! »

Je m'en étais rendue compte assez vite. Dans le car ou pendant les récréations, beaucoup d'élèves venaient me voir pour me demander de leur parler de Paris. J'avais fait de mon mieux pour être sociable, même si je me sentais horriblement gênée, j'avais le sentiment d'être un animal exotique !

-Si tu veux, tu peux rester avec eux... » me dit Edmond un jour.

Mais j'étais sûre qu'il savait que je n'en avais pas la moindre envie.

Edmond était véritablement un être à part, sans compter le fait qu'il savait lire dans les pensées des autres. Je n'avais jamais eu d'amis garçons auparavant, je ne pouvais donc pas comparer le jeune homme aux autres, mais il était très différent de mes camarades de classes. Il était doux, calme, gentil. Il semblait plus fait pour la nature que pour la ville. Lorsque nous mangions seuls, il me parlait de ses excursions en forêt, de ses parties de pêches, du fait qu'il avait déjà croisé des marcassins. Pour le rat des villes que j'étais, cela ressemblait à un conte de fée...

« Tu ne serais pas amoureuse toi ? me demanda Elsa avec un petit sourire en coin.

-N'importe quoi ! C'est un ami !

Elsa était entrée en internat. Elle avait commencé une classe préparatoire, et elle revenait parfois à la maison le week-end, quand elle « n'avait pas trop de devoirs ». Je la soupçonnais surtout de faire la fête avec ses amis. Nous nous parlions souvent via Skype désormais.

-Et toi, lui demandai-je, tu as un petit ami ?

-Non...
Son « non » sonnait faux.

-Je sais que tu mens ! Il est comment ?

-Maëlys, tu ne vas pas recommencer...

-Je ne veux pas un autre Guillaume Lafraive...

-J'étais en 6e !

Guillaume Lafraive était considéré par tous comme le plus bel élève du collège. Toutes les filles voulaient sortir avec lui. Finalement, il avait choisi ma sœur. Du haut de mes 8 ans j'avais déjà senti que quelque chose clochait.

Premièrement, il semblait traiter les filles comme des jouets, et s'amusait de l'affection qu'on lui portait, deuxièmement, il lui donnait un surnom horrible, « Zaza », (j'avais envie de lui jeter quelque chose à la tête à chaque fois que je l'entendais prononcer ce diminutif), et troisièmement, il ne connaissait aucun légume oublié, ce qui n'annonçait rien de bon ! En effet, au bout de deux semaines, il l'avait laissée tomber, lui brisant le cœur.

Depuis ce jour-là, je soumettais les petits amis de ma sœur à un véritable interrogatoire... ce qui ne lui plaisait pas particulièrement ! C'est pour cela qu'elle s'arrangeait pour que je ne le sache pas... malheureusement pour elle, je finissais toujours par le deviner.

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