Chapitre 24 : La chasse.

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Plus l'heure du rendez-vous approchait, plus je me demandais si nous avions raison de faire ce que nous entreprenions. Notre plan était simple : utiliser le don d'Edmond en orientation pour guider le groupe de Brian là où il le souhaitait. Dans le même temps, nous pourrions essayer d'apercevoir ce fameux tatouage et tenter d'en apprendre plus sur leurs intentions. Mais s'il s'avérait qu'ils n'avaient en réalité aucune intention de s'en prendre à maman, et que Brian n'était même pas le Brian Josh des années de lycée de mes parents, j'aurai entraîné mes amis dans une expédition à l'écart du village, en compagnie de personnes singulièrement douteuses.

J'avais dit à mon père que je partais me balader avec le jeune homme et comme il me faisait entièrement confiance ainsi qu'à Edmond, il avait accepté. Je me sentais coupable de lui mentir ainsi. S'il savait ce que je manigançais, il aurait été furieux. Mais je devais tirer cette histoire au clair. Comme l'avait dit mon ami, j'avais le droit à une explication de la part de maman. Si ces individus voulaient s'en prendre à elle, il fallait que je les en empêche.

« Avec un peu de chance ils la débusqueront même pour nous, avait dit Agathe. Enfin de la chance je ne sais pas... ajouta-t-elle d'un air sombre.

Elle s'était montrée très réticente à l'idée que son frère propose ses services au groupe de Brian.

-Nous n'avons pas de véritable plan ! » ne cessait-elle de répéter, exaspérée.

Mais il ne nous restait plus beaucoup de temps. Si ma mère était encore près de Miremont, il fallait absolument que je lui parle. De plus, Elsa pouvait à tout moment décider de tout révéler à mon père. Nous n'avions plus de dossier, plus d'enquête, plus rien.

-Et si par hasard nous tombons sur ta mère ? me demanda Edmond. Que fait-on si une poursuite s'engage ?

-Nous appelons la police. Suggérai-je

-Et si Brian et sa bande ne nous laissent pas faire ?

-Nous n'avons plus le choix ! répliqua Agathe d'un ton sec. L'heure tourne, je pense que nous prenons encore plus de risques si nous n'allons pas au rendez-vous. Je n'aimerais pas que tu les ais à dos Edmond. »

Nous étions comme piégés par notre propre stratagème.

***

Cela faisait maintenant une heure que nous cheminions. L'air était chaud et des insectes ne cessaient de nous tourner autour. Je venais en tête avec Edmond et Agathe. La glacière contenant les sandwichs et les boissons pesait lourd. Brian marchait si près de nous que cela en devenait dérangeant. Je sentais son souffle sur ma nuque. Derrière lui ses hommes le suivaient en échangeant des rires gras. Plusieurs fois j'avais senti l'un d'entre eux me détailler de la tête aux pieds.

Edmond était nerveux, il s'inquiétait autant pour moi que pour Agathe. A la première halte après une côte raide, pendant que je faisais passer les bouteilles d'eau, il me chuchota :

« Je n'aime pas les regards que te lancent les compagnons de Brian Josh. Surtout reste près de moi.

-Ne t'inquiète pas, je sais me défendre ! répliquai-je en pensant à Odilon.

Le jeune homme eut un léger sourire.

-Je n'en doute pas. Cela me rassurerait, j'ai besoin de quelqu'un pour me protéger. »

-Nous n'aurions jamais dû emmener Agathe. Soupirai-je. L'entendre subir leurs plaisanteries me rend malade ! »

La sœur d'Edmond était vêtue de son uniforme habituel, c'est-à-dire façon Sherlock Holmes avec jupe à carreaux et le deerstolker qu'elle continuait à porter malgré la chaleur. Pour parfaire le tableau elle portait une loupe à la ceinture.

« Au cas où je repérerais des indices. » nous avait-elle expliqué.

Cela n'avait guère échappé à la bande de Brian qui s'était mise à la taquiner gentiment. La situation avait dérapé lorsque Joanne, la seule femme du groupe, avait lancé :

« Il était pas gay Sherlock Holmes ? »

S'en était suivi une série de plaisanterie graveleuses dont j'espérais que la fillette n'avait pas compris le sens.

Edmond avait essayé de calmer les choses, mais Agathe, qui n'appréciait pas que l'on se moque de son héros, avait lancé que même si c'était vrai, l'homosexualité n'était pas une maladie mais une attirance normale pour une autre personne.

« L'amour n'est pas qu'une question de sexe. » Avait-elle conclu d'un air grave.

Elle voulait bien évidemment parler du fait d'être un homme ou une femme, mais malheureusement l'esprit mal tourné de notre groupe de punks s'était aussitôt mis à en marche à l'évocation du mot « sexe ».

Ils avaient donc commencé à expliquer à la petite fille que l'amour c'était bien, mais que le sexe était encore mieux.

Je ne savais pas ce qui était le pire : que le romantisme soit officiellement décédé avec une bande pareille ou qu'une fillette de dix ans puisse être plus mature que des adultes ayant de toute évidence l'âge de mon père !

Edmond décida d'intervenir :

« Bon, ça suffit maintenant, Agathe n'a pas besoin de savoir tout cela !

-Ne sois pas si coincé ! s'exclama Joanne.

-SILENCE ! » rugit Brian.

C'était le seul qui semblait véritablement concentré sur l'exploration des lieux. Si nous ne soupçonnions pas leurs projets, nous aurions pu nous croire guides d'un groupe de touristes particulièrement dissipés. Si c'était bien maman qu'ils cherchaient, elle aurait l'avantage de les entendre arriver.

A midi nous nous assîmes en rond pour pique-niquer.

« Êtes-vous satisfait de mon travail ? demanda Edmond.

-Voui » grogna l'homme, la bouche pleine de sandwich au jambon.

Pendant que le jeune homme lui expliquait la suite du trajet, je m'efforçai d'apercevoir l'épaule gauche de Brian. Il portait des manches courtes qui la cachait en partie, mais parfois il faisait des grands gestes et la manche se soulevait de quelques centimètres.

« Bon les gars, on bouge. » ordonna-t-il au bout d'une demi-heure.

Et nous repartîmes tous en fil indienne.

La chance se présenta à nous lorsque le chemin passa près des bords de la Sioule. Les hommes qui avaient chaud voulurent absolument « piquer une tête » dans la rivière. Leur chef finit par accepter de mauvaise grâce. Tout le monde se changea, sauf nous trois et Brian, qui semblait impatient de repartir. Finalement convaincu par leurs exhortations, il se leva et retira son t-shirt.

« Quelqu'un peut me le garder ? demanda-t-il.

Il était tourné de trois quart vers nous, à contre jour. Sur son épaule droite, il n'y avait aucun tatouage.

-Oui bien sûr, dis-je en prenant avec dégoût le vêtement plein de sueur.

-Edmond, tu ne veux pas aller te baigner ? suggéra intelligemment Agathe.

-Bon, d'accord, cela ne vous déranges pas ? dit-il en prenant un air faussement inquiet.

-Pas du tout ! »

Alors qu'il entrait dans l'eau, il se retourna et me fit un bref hochement de tête.

Notre homme avait un tatouage en forme de papillon rouge sur l'épaule gauche.

Brian Josh était donc bien l'ex-petit ami de ma mère, et en cet instant, son pire ennemi.

Le Papillon RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant