Chapitre 11 : Le carnet rouge.

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Le grenier était la plus grande pièce de la maison, tout en longueur. Il était rempli de cartons entassés les uns sur les autres, tous les objets que nous n'avions pas encore rangés, ou dont nous voulions nous débarrasser. Edmond et moi étions en train de chercher les affaires de maman susceptibles d'intéresser Agathe, lorsqu'un joli carnet rouge attira mon attention. Je le pris et l'ouvris. Sur la première page il était écrit : « Journal de S. Black. Défense de le lire ! ». J'hésitais pendant une fraction de seconde. Si la situation avait été inversée, j'aurais détesté que papa lise mon journal intime. Cependant, mon père avait-il fait attention à mes supplications sur la question du déménagement à la campagne ? En aucune façon. Pourquoi devrais-je alors me soucier des interdictions de son alter ego plus jeune ? (D'après la date, il venait d'entrer au lycée).

« Regarde ce que j'ai trouvé ! dis-je à mon ami.

-Euh, tu comptes le lire ?

Je hochai la tête.

-Devant moi ?

-L'enquête avant tout ! » rétorquai-je.

Animée d'un esprit vengeur, je déchiffrai l'écriture fine et penchée de papa.

« 6 septembre

Mme Beauregard m'a proposé de devenir une sorte de professeur particulier pour les élèves en difficultés.

« Même si vous ne pouvez pas intégrer le lycée Henri IV ; vous ferez quelque chose qui compensera. Vous pourrez exploiter le maximum de vos grandes capacités intellectuelles ! Vous avez dans l'idée de devenir professeur, n'est-ce pas ? »

C'est en effet la vocation que j'avais été tenté de choisir, mais je n'avais pas prévu de me retrouver à aider les cas désespérés du lycée ! Je les connais bien, ils étaient avec moi au collège. Ils sont si lents d'esprit ! Je ne vois pas pourquoi s'acharner à essayer de les tirer vers le haut, ils retomberont aussitôt. Mais bon, comme l'a dit le Dr. Maria, il faut que j'aide les autres, cela permettra d'être moins solitaire etc. Quelle idée ont eu mes parents de me faire voir une psychologue ?/ Ils devraient économiser leur argent !

Mon père était surdoué. Il avait sauté le CM2 et c'était donc à 14 ans qu'il était entré au lycée. Je savais depuis toujours que mes grand-parents n'avaient pas beaucoup de moyens, ils n'avaient donc pas pu permettre à leur enfant d'intégrer un bon établissement, faute de pouvoir lui payer une chambre étudiante par exemple. Je pouvais comprendre que mon père soit frustré, mais je n'appréciais pas le ton suffisant qu'il employait pour évoquer les élèves en difficulté. Moi qui l'avait toujours vu comme quelqu'un de doux et attentionné, j'étais assez surprise !

Je sautais encore quelque page où il annonçait qu'il avait commencé les cours de soutien et faisait une liste des notes qu'avaient eu ses « élèves », en me disant que j'allais peut-être refermer le carnet, quand soudain je vis le nom de ma mère ! Mon cœur se mit à battre très vite et je m'empressai de lire le passage.

« 1er octobre

Je suis dans une colère noire ! On m'a forcé à intégrer Koridwen Pic à mon cours de soutien ! Ce doit être la pire élève du lycée ! Elle sèche les cours, fume, est grossière, violente et totalement désintéressée par ce que je raconte, j'en suis persuadé ! Malheureusement la directrice tient à la remettre sur le droit chemin ! Je crois que ses parents ont donné de l'argent au lycée pour rénover la cantine. Cela expliquerait beaucoup de choses... »

« C'est de ta mère dont il parle ? » demanda Edmond, surpris.

Je hochais la tête, incrédule. Mon père n'avait vraiment pas l'air de l'apprécier, alors que mes parents m'avaient assurée qu'ils s'étaient aimés « quasiment dès leur première rencontre ». Peut-être que les adultes n'avaient pas la même notion du temps que les adolescents.

Le Papillon RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant