Chapitre 29: Réminiscences (Maëlys)

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L'été 2011, dans la modeste petite maison que mes parents avaient loués pour l'occasion dans le Tarn-et-Garonne. La bâtisse comportait un grand jardin, avec des rosiers. Assise parmi les fleurs, je n'avais, pour une fois, pas ma mèche devant un œil, ce qui me permettait d'observer à ma guise les roses dans le soleil couchant. J'entendis soudain la voix de mon père qui filtrait à travers une fenêtre ouverte.

«Tu commences vraiment à m'agacer, Koridwen ! s'exclama-t-il. Pourquoi ne cesses-tu de me parler de Brian Josh ?!

-Parce que c'est grave, bordel !

-Ne jure pas !

-Ne commence pas à faire ton professeur avec moi Simon Black ou ça va mal aller !

Mon père sembla sur le point de dire quelque chose mais maman l'interrompit :

-Je t'ai dit qu'il m'avait abordé, qu'il m'avait proposé que je le rejoigne. Je ne sais pas quoi faire... il connaît l'existence d'Elsa et Maëlys !

Papa soupira.

-Ecoute, Kori, je ne sais pas à quoi tu joue en ce moment, mais ce n'est vraiment pas amusant.

-Tu ne me crois pas ?!

Au ton de sa voix, je comprenais qu'elle était à la fois incrédule et blessée.

-Ce que tu affirmes est impossible ! Comment Brian aurait pu te retrouver ? Et pourquoi voudrait-il que tu te joignes à lui après toutes ses années. En quoi pourrais-tu lui être utile ? Tu as 40 ans, et non pas 17 ! Je veux, dire... je ne remets pas en question ta vigueur, mais si je me souviens bien, sa bande était spécialisée dans le combat de rue...

-Ils ont évolué depuis. »

Il y eut un silence.

« Bon, je te propose d'aller dîner dans un petit restaurant, qu'est-ce que tu en dis... Kori ?! Koridwen, reviens ! »

Mais maman avait déjà quitté la maison et remontait l'allée du jardin à grands pas.

-Qu'est-ce qu'il y a ? demandai-je d'un ton inquiet.

-Rien, Maë, je vais juste marcher un peu. »

Ce soir-là, nous allâmes dîner sans maman, sans savoir que deux mois plus tard nous dînerions sans elle tous les soirs. Mon père n'ajouta rien de plus, et Elsa se contenta de manger en silence.

***

« Cette année Maë, il faudra que tu mettes les bouchées doubles ! me dit ma mère.

C'était la veille de la rentrée. Assise sur mon lit, les genoux serrés contre ma poitrine, je songeais avec angoisse que demain, je serai dans « la cour des grands », le collège !

-La 6e, c'est le moment où l'on peut tout lâcher sans s'en rendre compte !

-Enfin, si l'on est un élève sérieuse, tout se passe bien... dit soudain une voix.

Je tournai la tête et vis papa, appuyé contre le chambranle de la porte qui regardait ma mère avec un mélange d'agacement et d'amusement.

-Je ne faisais que donner de petits conseils à Maëlys. Répliqua-t-elle sèchement.

-Et bien je pense qu'elle en a assez eu comme ça. Regarde-la, elle est toute stressée.

Il s'avança dans la pièce et s'accroupit à côté de mon lit :

-Ne t'inquiète pas ! me dit-il. Tout se passera très bien. La rentrée, c'est le meilleur jour de l'année. Tu ne travailleras pas, les professeurs t'expliqueront comment fonctionne ton emploi du temps, quelles seront les heures de récréations. Ils te feront également visiter l'établissement ! Tu pourras même découvrir le self ! Qui sait, peut-être qu'il y aura des frites !

Je souris à cette idée.

-Et en plus, Elsa sera là !

-Oui, mais elle ne rentre pas à la même heure que moi...

-Eh oui, les 4e vont à l'école un petit peu plus tard, mais, tu connais ta sœur, elle s'empressera de te chercher dans la cour pour te présenter à ses amis ! »

Rassurée, je me pelotonnai contre ma mère. Elle me caressa les cheveux.

« Aller, au lit maintenant ! s'exclama-t-elle. Comme ça, tu seras en pleine forme pour demain ! »

Je me glissai sous les draps. Elle m'embrassa, et quitta le pièce. Papa se pencha à son tour.

« Tu peux me raconter une histoire ? demandai-je.

Il hésita.

-Bon, d'accord, mais juste une !

-Simon, qu'est-ce que tu fais ?! demanda ma mère depuis le salon.

-Je raconte juste une histoire à Maë.

-Mais il est tard, il faut qu'elle dorme.

-Juste une maman, s'il te plaît !

-Attends un instant, je vais la convaincre ! dit papa avec un clin d'œil. »

Il sortit de la chambre. Les murs de la maison étant épais comme du papier à cigarette, je pouvais donc aisément entendre tout ce qu'ils disaient.

« Koridwen.

-Quoi ? grogna sèchement maman.

-Est-ce que tu pourrais arrêter de stresser Maëlys avec le collège ?

-Je ne fais que lui donner quelques recommandations.

-Elle n'est pas toi, elle ne va pas forcément... mal tourner !

-Pourquoi me fais-tu passer pour la méchante ?

-Pas du tout, je ne...

-Je te demande simplement de la mettre au lit parce que je ne veux pas qu'elle soit fatiguée...

-Mais...

-Et toi tu veux quand même lui raconter une histoire !

-Elle les adore !

-Ah oui... Simon Black... Parfait professeur... Un père exemplaire racontant des histoires à ses enfants...

-Ne commence pas...

-Mais c'est dur d'être ta femme ! s'écria ma mère. C'est dur ! Je me sens... toujours nulle ! Tu sais tout faire... Tu les emmènes au musée, et il te suffit d'effectuer quelques recherches sur Internet pour être aussi cultivé qu'un guide professionnel !

-Ce n'est pas MA FAUTE ! Je n'y peux rien ! »

Mon père semblait véritablement blessé. Ma mère sembla sur le point d'ajouter autre chose, mais papa quitta la pièce en trombe. Je l'entendis s'arrêter dans le couloir et respirer profondément avant de revenir dans ma chambre avec un grand sourire... comme si de rien était.

Le Papillon RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant