Il était quasiment dix-sept heures. Malgré le fait que nous approchions de l'été, le soleil lui, semblait se croire en automne. La lumière déclinait rapidement et je craignais de me retrouver dans le noir avec Brian et ses hommes. Mon père m'avait déjà envoyé deux messages pour me demander où j'en étais, mais je n'osais pas sortir mon portable. Je sentais que le chef de la bande était tendu au point de se jeter sur moi si j'avais le malheur de faire un geste suspect.
Tout à l'heure déjà il avait insisté pour que l'on emprunte le croisement de gauche au lieu du croisement de droite, alors qu'Edmond avait affirmé que pour revenir à notre point de départ, le chemin de droite était le plus rapide. Brian avait affirmé qu'il avait l'intuition que la vue serait « plus belle » de ce côté-là. Le jeune homme avait voulu insister mais je lui avais serré brièvement la main pour l'en dissuader.
« Combien de temps crois-tu qu'il va nous faire marcher ? chuchotai-je à mon ami en fixant le dos de Brian.
-Aussi longtemps que ses jambes le porterons et que ses hommes ne protesteront pas, j'en ai peur ! »
Il semblait à la fois tendu et vexé par le fait que son sens de l'orientation ait été mis en doute par le chef des punks, sans compter qu'effectivement, la vue était plus belle de ce côté-ci. Mais la route était également moins praticable. Depuis plusieurs minutes nous descendions une pente raide, parsemée de cailloux qui pouvaient à tout instant rouler sous nos pieds et nous faire dégringoler la tête la première ! J'étais à la fois stressée à l'idée de tomber en plein sur Brian et par ses acolytes que je sentais dans mon dos. Ils m'avaient intimé plusieurs fois de « bouger mon petit cul », ce que je m'efforçais de faire.
Mon malheur cependant n'était rien comparé à celui d'Agathe. La jeune fille portait en permanence des socquettes blanches, ce qui n'était absolument pas pratique en montagne. Elle devait également tenir le rythme d'adulte deux fois plus grands qu'elle, ce qui n'était pas une mince affaire. A plusieurs reprises, elle était tombée par terre, manquant de dévaler la pente jusqu'en bas ! Edmond s'était finalement décidé à la porter sur ses épaules, et malgré ses protestations, la fillette s'était rapidement endormie.
« Tu ne veux pas t'arrêter ? demandai-je, inquiète.
-Non, ne t'inquiète pas pour moi, répondit-il en jetant un coup d'œil à Brian.
Je compris qu'il craignait surtout de le demander.
Nous atteignîmes enfin la fin de la descente. Edmond réveilla doucement sa sœur et la reposa au sol. Nous aperçûmes alors une petite maison, entourée d'un jardin où poussaient de mauvaises herbes. Si nous n'avions pas vu la voiture garée dans l'allée, on aurait pu penser que la masure était à l'abandon.
-A qui appartient ce taudis ? interrogea le chef de la bande de punk.
-Euh... je crois que c'est la maison de la chauffeuse de car.
-On pourrait peut-être aller lui poser quelques questions.
-Tu crois que c'est habité ? demanda Joanne, en observant avec mépris le terrain envahit par la végétation.
Brian haussa les épaules et se dirigea vers la porte. Ses camarades le suivirent. Estimant qu'ils n'avaient pas besoin de nous et n'ayant guère envie d'être vue avec de tels énergumènes, nous restâmes en retrait.
J'en profitais pour envoyer un message à mon père :
« On rentre bientôt ne t'inquiète pas. La tante d'Edmond nous offre un petit goûter. »
« Ce n'est pas une bonne idée de lui mentir... marmonna Agathe qui, bien entendu, avait lu ce que j'écrivais.
-Qu'est-ce que tu veux que je lui dise, grognai-je, « ne t'inquiète pas papa je suis simplement avec un groupe de types louches à la mine patibulaire qu'Edmond doit guider à travers la campagne pour la modique somme de vingt euros, dans le but d'enquêter sur maman ? »

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Le Papillon Rouge
Teen FictionDerrière chaque personne peut se cacher un secret extraordinaire. Maëlys, 15 ans, ressemble à de nombreuses jeunes filles de son âge, malgré ses yeux vairons et sa mèche rebelle. Elle se dispute avec sa belle-mère, découvre les premiers émois de l'...