Chapitre 31: Face à face

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Je sentis maman se tendre. Je lui jetai un regard, elle paraissait affolée.

« Vous allez devoir faire preuve de courage. Dit ma belle-mère. Voici Simon et Elsa qui reviennent.

-On est rentrés ! s'exclama ma sœur d'un ton joyeux.

-Soso, dit papa. Je t'ai trouvé une superbe fleur, à planter dans le jardin, tu m'en diras des nouvelles.

-Merci beaucoup, il ne fallait pas. articula Sophie.

Elle paraissait extrêmement tendue, ne cessant de jeter des coups d'œil à maman.

-Euh... j'ai euh... moi aussi...euh... une surprise !

Maman lui jeta un regard noir.

-Ne leur annoncez pas comme ça ! chuchota-t-elle.

-Comment voulez-vous que je face ?!

-Une bonne ou une mauvaise surprise ?! s'exclama Elsa depuis l'entrée.

Nous les entendîmes enlever leurs chaussures et accrocher leurs vestes. Papa entra enfin dans la cuisine un grand sourire aux lèvres, portant un pot où était plantée une grosse fleur rouge. Son regard balaya la pièce. Il passa d'abord sur Edmond, qui pâle comme la mort, tenait une Agathe tremblante dans ses bras, puis sur Sophie, appuyée contre l'évier, qui arborait un sourire si crispé qu'on aurait dit qu'elle avait une rage de dent, et enfin sur moi qui le fixait d'un air anxieux. Ses yeux sur posèrent alors sur la personne qui me tenait sur ses genoux.

Le pot de fleur se brisa en mille morceaux lorsqu'il tomba sur le carrelage.

-Papa ça va ?! demanda Elsa depuis l'étage supérieur.

Elle avait dû monter sa valise dans sa chambre.

Mon père vacilla un instant, comme s'il allait s'évanouir. Edmond et moi nous précipitâmes, prêts à le rattraper s'il tombait. Il se laissa finalement glisser contre le mur et contempla ma mère d'un air incrédule.

-Toi... souffla-t-il.

-B... Bonsoir. Bégaya-t-elle.

Elle lui jetait des coups d'œil furtifs, n'osant pas croiser son regard. Il y eut un long silence. Puis Elsa déboula en trombe dans la cuisine.

-Papa qu'est-ce que... »

Elle vit enfin ma mère, qui était toujours figée sur sa chaise. Ma sœur poussa un petit cri, regarda de tout côté, l'air paniquée.

-Mais, mais qu'est-ce que...

-Elsa, dis-je doucement.

-QU'EST-CE QUE TU FAIS LÀ ?! POURQUOI REVIENS-TU APRÈS TOUTES SES ANNÉES ALORS QUE TOUT VA BIEN ?! »

Maman ouvrit la bouche comme si elle allait parler, mais ma sœur se remit à hurler.

-Je t'ai attendu, mais maintenant c'est terminé ! Tu as abusé de ma patience, je n'ai plus besoin de toi !! JE NE VEUX PAS TE VOIR ! VA T'EN !!

Et elle sortit en trombe.

-Elsa ! » s'écria ma belle-mère en lui courant après.

Nous les entendîmes courir dans l'escalier, puis une porte claqua et il n'y eut plus que des bruits assourdis.

Le calme revint dans la pièce. Mon père, toujours recroquevillé contre le mur, fixait ma mère qui, les yeux légèrement humides, regardait la porte par laquelle ma sœur s'était engouffrée, comme si elle hésitait à la rejoindre.

« Euh... me dit Edmond. Nous devrions peut-être les laisser.

J'observais mes parents, ils étaient absorbés l'un par l'autre, comme si nous n'étions plus là.

-Oui, tu as raison, dis-je. Allons nous rafraîchir. »

J'avais besoin de prendre l'air. Edmond, Agathe et moi sortîmes dans la nuit. Les étoiles brillaient, il faisait doux. Au loin j'aperçus la maison de mes deux amis. L'une des fenêtres étaient éclairées, et je pouvais distinguer la silhouette de Mme Dantès qui s'affairait dans la cuisine.

« Je vais aller la voir. Dit Agathe. Je pense que vous n'avez plus besoin de moi.

Je secouai la tête.

-Je pense que cela ira mieux maintenant. Merci Agathe, merci pour tout ce que tu as fait, d'avoir enquêté, d'être venu avec nous lorsque nous lors de notre périple avec Brian, d'avoir été là au moment crucial...

La petite fille me sourit.

-De rien, ça m'a fait plaisir que quelqu'un me prenne enfin au sérieux avec mes enquêtes. Ton histoire m'a également fait réfléchir Maëlys.

Elle regarda son frère droit dans les yeux :

-Edmond, nous avons une maman nous aussi. Et nous devrions en profiter.

-Je rentre bientôt. Promis son frère.

La fillette hocha la tête et se dirigea vers sa maison.

« Elle a raison, dis-je. Tu devrais rentrer, profiter de ta mère...

-Pas tout de suite, souffla-t-il, je veux encore rester avec toi, j'ai l'impression que tout n'est pas fini... »

D'un même mouvement, nous nous approchâmes discrètement de la fenêtre de la cuisine. Ce que nous vîmes nous coupa le souffle. Mes parents, qui ne c'étaient pas vus depuis cinq ans, semblaient rattraper le temps perdu en s'embrassant fougueusement. Pendant un instant, j'eus l'impression qu'ils avaient rajeunis, que les cheveux de maman étaient de nouveaux roux et que ceux de papa n'étaient pas encore parsemés de mèches blanches. Puis mon père renversa carrément ma mère sur la table, ce qui me fit revenir aussitôt à la réalité.

Edmond et moi courûmes discrètement dans la direction opposée. Nous nous rassîmes sur les marches du perron.

« Bon. Dit mon ami. Cela avait plutôt l'air de bien se passer.

Les émotions de la journée me submergèrent et je fus prise d'un fou rire incontrôlable. Edmond me regarda pendant quelques secondes comme si j'étais devenue folle, puis se mit à rire à son tour.

-C'était... c'était... HORRIBLEMENT GÊNANT !! m'exclamai-je entre deux hoquets.

-Ne m'en parle pas, je ne sais pas où me mettre. J'ai l'impression de me trouver toujours là où il ne faut pas, avec tes parents ! D'abord le journal de ton père, puis ça...

Je me sentais ivre alors que je n'avais pas bu. Je ne savais pas si c'était les premiers signes de la démence. Je parvins enfin à me calmer et à reprendre mon souffle. Je contemplai Edmond. Il me rendit mon regard. Une pensée monta en moi alors que je me perdais dans le gris de ses yeux. Je me songeais alors : « Maëlys, c'est le moment où jamais. ».

Je pris alors son visage entre mes mains et l'embrassai avec fougue. Il se figea sur place puis m'entoura de ses bras, en me serrant très fort contre lui. Nous restâmes ainsi pendant de longues minutes. Puis nous nous détachâmes doucement l'un de l'autre.

« Merci pour tout Edmond. Dis-je. Merci d'être toujours là pour moi.

Il se pencha sur moi comme s'il allait de nouveau m'embrasser, mais il se figea sur place, et son visage perdit son expression béate.

-Je viens de voir ta sœur passer en trombe vers la cuisine.

-Oh non ! Il ne faut absolument pas qu'elle voit mes parents en train de rattraper le temps perdu ! » m'exclamais-je.

Nous nous mîmes debout et nous ruâmes vers la porte d'entrée.

Le Papillon RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant