Anissa - Sublimes Cicatrices (Tome 1)

La rentrée scolaire (3/3)

~~Anissa~~

Je hais les inconnus.
Je les hais eux et cette facilité écœurante avec laquelle ils abordent d'autres inconnus, croyant que tout le monde a envie d'être leur ami(e).
Je hais toutes ces personnes qui croient que leur pathétique sourire peut régler tous les problèmes du monde et attirer la sympathie de tous ceux qui les entourent. Je hais ces gens qui respirent la joie de vivre et qui croient la communiquer aux autres.
Pas parce que je le veux, mais plutôt parce que la vie m'a appris à le faire.

Debout en plein milieu de ce terrain mi-basket, mi-foot, je me fais violence afin de ne pas lui crier dessus.

Je pensais pouvoir enfin me débarrasser d'elle. Je pensais que ce qu'elle voulait c'était être ici et peut-être "visiter" alors je le lui ai laissé.
Que veut-elle de plus ?

-Lâche-moi, tout de suite !

-Désolée __elle retire sa main__ je ne voulais pas te faire peur.

Cette phrase...
Ça y est, je me souviens ; je comprends désormais pourquoi son visage me semblait si familier.

Lorsqu'elle s'est approchée de moi, j'étais en pleine crise d'angoisse. J'avais passé une matinée horrible et je voulais juste me retrouver seule.
Ça n'a rien arrangé.

J'essayais de me calmer lorsqu'elle est arrivée et fort heureusement pour moi, sa présence a réussi à me faire oublier un temps soit peu l'obscurité dans laquelle j'étais en train de me noyer.

-Toi ? __me retourné-je__ Me faire peur ? Tu te prends pour qui, minus ?

Plus grande de taille qu'elle de quelques centimètres, j'affiche désormais un petit sourire, comme pour me faire pardonner de l'attitude odieuse que j'ai eu envers elle.
Sa mère m'a aidé, alors la moindre des choses serait de lui rendre la pareille ; ou du moins, essayer.

-Minus ? __croise-t-elle le bras en dessous de sa poitrine__T'es gonflée de me dire ça quand même, miss je veux être seule.

Mon sourire disparaît et je détourne le regard tandis qu'elle s'empresse de se rattraper :

-Pardon, désolée, je ne voulais pas dire ça. __se tape-t-elle plusieurs fois le front__ Je ne sais pas ce qui m'a pris, excuse moi !

Elle est drôle ! Je souris.

-Respire, ce n'est que moi !

Son visage semble s'illuminer lorsqu'elle réalise que je suis pas vexée - quoi qu'un peu - et laisse retomber ses bras le long de son corps.
Elle est jolie !

J'ai un pincement au cœur à l'évocation de cette idée et je réalise combien il est plus facile pour moi de songer à la beauté des personnes qui m'entourent, que de faire un compliment au reflet que je vois dans le miroir.
En même temps, qu'y a-t-il à complimenter ?
Je suis horrible. Mes cicatrices sont horribles.

-Hey, ce n'est pas juste ! __place-t-elle ses mains devant mon visage, l'efflorant presque__ Tu m'interdis de te reluquer mais regarde, tu fais la même chose.

Peut-être parce que chez moi il n'y a rien à voir.

-Désolée !

Elle retire ses mains, me sourit et tente de poursuivre mais la sonnerie vient mettre à un terme à cette petite discussion assez bizarre.

-Je dois y aller, __dis-je__ toi aussi d'ailleurs.

-Ok ! A bientôt j'espère. Que Dieu te bénisse.

Sa dernière phrase me fait un second pincement au cœur mais je ne laisse rien paraître et acquiesce.

-Toi aussi !

Je tourne les talons et suis déjà bien loin lorsque l'écho de sa voix retentit :

-Hey, mais tu ne m'as même pas dit ton nom.

Je me tourne vers elle et sourit avant de hurler à mon tour :

-Je croyais que j'étais miss je veux être seule.

Elle glousse et j'en profite pour m'en aller, définitivement.
Alors que je traverse les couloirs le sourire aux lèvres, je suis frappée par le fait que pour la première fois depuis ce qui semble être une éternité, j'ai entretenu une conversation tout ce qu'il y a de plus normal, sans qu'à un seul moment je n'ai l'impression de déranger ou de ne pas etre désirée.

Cette fille est bizarre, un peu timbrée et pipelette, je l'accorde, mais elle fait parti du nombre restreint de personnes qui ne s'arrêtent pas qu'au physique des gens. Et j'aime ça.
J'aime le fait de me sentir "normale", j'aime le fait qu'on me regarde dans les yeux lorsqu'on me parle, j'aime le fait qu'on m'adresse des sourires sincères et purs, j'aime le fait que des gens s'intéressent encore à moi.

Pourquoi a-t-elle fait preuve d'autant de gentillesse et d'intérêt envers moi ? Je l'ignore. D'ailleurs, je ne veux pas le savoir.
Elle m'a approché, m'a sourit et ne s'est pas laissée impressionner par ma dureté et les traces physiques qu'ont laissé sur moi mon lourd passé. Et pour moi, c'est tout ce qui compte.

Je pénètre dans la salle de classe et tous les regards se tournent vers moi. Certains s'eloignent de la place que je me suis choisie, d'autres se contentent de me suivre du regard. Mais aucun d'eux ne parvient à enlever de mon cœur la joie qui y siège.

Le reste de la journée se passe assez calmement, les profs font de moins attention à moi et c'est très bien comme ça.
A la seconde pause, je perçois les chuchotements des filles qui, juste derrière moi, se permettent de casser du sucre sur mon dos.
La discrétion, ça vous dit quelque chose ?

-Tu la connais ? __murmure l'une d'elle__

-Non ! __dit-elle précipitamment__ Elle est nouvelle tu crois ?

-Je n'en sais rien, en tout cas je ne l'ai jamais vu. Elle est bizarre.

-Ouais et t'as vu ses cicatrices ?

Je lève les yeux au ciel et fait mine de ne pas les entendre.

-Ma mère dit que ces gens là, les brûlés, bah ils portent malheur. Et que les endroits qu'ils fréquentent finissent toujours par être incendiés.

-Arrête, c'est n'importe quoi !

-Si, si ! Je te jure. Quand ça commence c'est un cercle infernal, ça ne s'arrête plus.

Excédée, je pose avec véhémence mon crayon sur la table et me tourne vers elles.

-Si vous pensez que je porte malheur alors qu'est-ce que vous foutez ici ? Demandez à être transférées dans une autre salle, __dis-je avant de froncer les sourcils et poursuivre de ma voix la plus rauque__ avant que celle-ci ne soit incendiée.

Sans demander leur reste, elles se lèvent de leurs chaises et sortent de la classe alors qu'un sourire moqueur vient prendre résidence sur mes lèvres.
S'il faille que je passe pour la terreur du lycée cette année, autant le faire bien.