Anissa - Sublimes Cicatrices (Tome 1)

Retour à la maison (2/3)

~~Anissa~~

Plus tard dans la soirée, Samia et ses parents prennent congé de nous.
Bien qu'épuisée, je les raccompagne jusqu'à la porte, en compagnie de Nik.

-Prends bien soin de toi ma puce, d'accord ? __Tata m'embrasse la joue__ Je compte sur toi pour que la prochaine fois qu'on se verra tu sois en pleine forme.

Je souris et acquiesce, avant de la saluer d'une briève étreinte.

-On se revoit à l'école alors ? __Samia s'adresse à moi__

-J'ignore si j'aurais assez de forces pour y aller. Mais dans tous les cas on s'appelle, non ?

Elle affiche une mine renfrognée et fait la moue.

-T'es vraiment qu'une gamine ! __je ris__

Elle me pousse puis me tire la langue, avant de courir rejoindre ses parents.
Je leur dit au revoir et attend qu'ils aient complètement disparus de mon champ de vision.

L'estomac noué, je ferme la porte et souffle un bon coup avant de retourner dans la pièce principale.

Tata Arlines est toujours au même endroit, assise sur le sofa.
Mais à la différence de tout à l'heure, elle n'affiche plus cet air gai de maîtresse de maison, mais une mine qui se veut mélancolique.
Je décide de l'ignorer et marche en direction de ma chambre, espérant intérieurement qu'elle en fasse de même.
Ne dit-on pas que l'espoir fait vivre ?

-Anissa ! __sa voix s'élève dans la pièce__

Je me fige un instant, appréhendant la suite de ses mots, qui, bizarrement, n'arrivent jamais.
Je me tourne donc vers elle.

-Tata ?

-J'ai à te parler, viens s'il te plaît !

J'avale ma salive et avance d'un pas lent, tandis que mon cerveau se noit sous les questions et films que je me fais.

Lorsque ce matin on m'a annoncé que je pouvais enfin sortir, j'ai été remplie de joie.
J'en avais franchement assez de passer toute la sainte journée allongée dans ce lit, la plupart du temps seule.
Et même si ma vie d'avant mon hospitalisation était très loin de me manquer, je voulais rentrer chez moi et profiter du petit confort et réconfort que m'offrait ma chambre.

Malheureusement pour moi, il y avait une ombre au tableau : Tante Arlines et l'inévitable confrontation que l'on aurait à mon retour.

Pour moi c'était évident qu'elle voudrait que l'on discute ;  seulement, j'ignorais de quoi exactement.

-Comment ça va ? __dit-elle hésitante, une fois que je me suis assise__

-Bien. Je vais bien. Et toi ?

Elle m'adresse un sourire qui ressemble plus à une grimace qu'autre chose et hoche la tête.

-Je... Je voulais te remercier. __reprend-elle, quelques secondes plus tard__ Merci de ne pas m'avoir dénoncé. Je sais qu'après ce que je t'ai fait je ne mérite sûrement pas un tel traitement de faveur, mais je te suis reconnaissante de m'avoir couverte. Merci Anissa !

-Pas la peine. __dis-je sur un ton plus dur que je l'aurais voulu__ Je ne l'ai pas fait pour toi.

Elle baisse le regard et se triture les doigts alors que de mon côté je n'ai qu'une hâte : m'en aller.

-Avec ta permission ! __je me lève__

Cependant, dans un mouvement précipité, elle m'attrape le poignet, comme pour me retenir.

-Attends ! __elle se lève à son tour et s'approche de moi__ Je ne peux qu'imaginer ce que tu ressens. J'ai été horrible avec toi et je t'ai fait vivre un véritable enfer, je le sais. J'ignore ce qui m'a pris ce jour-là, mais je veux juste que tu sache que mon vœu n'a jamais été de t'envoyer à l'hôpital, encore moins dans un état aussi critique.

-Comment oses-tu dire ça ? __je pose mon regard sur elle, les yeux baignés de larmes__ Tu t'attendais à quoi en me frappant de la sorte ? Quand tu me regarde j'ai l'air de porter sur moi une armure ? Tu es la cause de tout ce qui m'arrive alors ne viens pas me dire que tu n'a jamais voulu que ça se passe comme ça. Ne sois pas hypocrite, Tata.

-C'était une erreur, je suis désolée ! __dit-elle la gorge nouée, en larmes__

La mâchoire serrée, j'assiste à son sketch, en colère.

-Battre quelqu'un n'est pas une erreur, encore moins pendant aussi longtemps. Ça, ce que tu m'a fait Tata, ça s'appelle un choix !

Sur ces mots, je me détache de son emprise et cours m'enfermer dans ma chambre.
Une fois la porte fermée, mes jambes me lâchent et je m'écroule, avant d'éclater en sanglots.

Sincèrement que croyait-elle ? Qu'aucun de ses coups ne me ferait du mal ? Et qu'il suffirait qu'elle me présente ses excuses pour que je passe l'éponge ?
Non, je refuse !

Depuis plus d'un an maintenant, cette femme a fait de moi son punching-ball personnel.
Toutes les raisons étaient bonnes pour me battre, que ce soit un simple accident de vaisselle ou de repassage, il est évident qu'elle retirait une certaine satisfaction à me voir l'implorer, la supplier de m'épargner.
Et aujourd'hui elle s'attend à ce que j'oublie tout ça ? Il a fallu qu'elle me mette entre la vie et la mort pour qu'elle réalise la gravité de ses actes ?
Il en est hors de question.

Rancunière ou pas, il est absolument hors de question que j'oublie.