Au commissariat

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~~Samia~~

C'est vraiment à mourir de rire, je n'en peux plus.

J'ai toujours été une grande fanatique des films humouristiques. Me tordre de rire, esclaffer jusqu'à ne plus pouvoir respirer, avoir mal aux côtes, rouler sur le sol et laisser tous mes mots être étouffés par mes rires ; c'est tout ce que j'aime.

Il y a encore quelques heures, je pensais que l'un de mes films français préférés était Taxi 5.
Mais là, je crois que j'ai changé d'avis.
Tante Arlines devrait sérieusement songer à se reconvertir en actrice. Elle ferait un tabac !

Assise aux côtés de mon frère dans l'espèce de salle d'attente du commissariat, j'ai en face de moi cette femme qui nous fait profiter de son petit spectacle de mère dévouée et inquiète pour sa belle-fille.

Les larmes aux yeux, les paupières bouffies et un énorme mouchoir entre les mains, elle semble prise d'un spasme, remuant ses épaules à chaque sanglot.
C'est d'un ridicule.

-Tu ne crois pas qu'on devrait en faire une vidéo ? __étouffé-je mon rire__ Ça ferait le tour des réseaux sociaux.

Sans réponse, Yohann se contente de me lancer un regard noir, par lequel je comprends que rire n'est certainement pas l'attitude à adopter dans ce moment précis.
Je tente alors de reprendre contenance, lorsque ma mère apparaît enfin, accompagnée de son époux, ainsi que deux officiers de police.

-Alors ? __Yohann se lève en trombe__

Notre père soupire et s'approche de nous.

-La loi est claire, et ce que nous avons fait est et reste un délit. Seulement, Arlines est prête à retirer sa plainte, si et seulement si nous lui rendons sa fille.

Les yeux exorbités, je reste pendue aux lèvres de mon père, craignant plus que de raison la suite de son monologue.

-Et nous avons accepté ! __conclut-il__

-Non ! __m'écrié-je__ Comment ça vous avez accepté ? Cette femme est une sorcière, elle va la tuer. C'est hors de question qu'elle y retourne.

-Sam, arrête, je t'en prie ! Ce n'est ni le moment, ni l'endroit. Cette femme, comme tu dis, est sa tutrice légale. Alors on va lui rendre sa fille. C'est comme ça.

Les yeux embués, je lance un regard à ma mère qui dévisage tante Arlines de toutes ses forces. A mon tour, je repose mes yeux sur elle. Elle reste en retrait, remerciant les officiers de leur aide et s'informant sur la suite. Elle a l'air soulagée et heureuse, telle une mère aimante qui, après plusieurs recherches, voit enfin la lumière au bout du tunnel.

Je pourrais laisser éclater ma colère, et Dieu sait que ce n'est pas l'envie qui m'en manque. Je pourrais me ruer sur elle et lui arracher les cheveux un par un - à condition qu'elle ne se débatte pas.
Je pourrais crier sur tous les toits et raconter ce qu'elle fait subir à Anissa. Mais sans preuves, qui me croirait ?

Je ravale alors ma rage et acquiesce.

-Je vous attends dans la voiture.

Papa pose une main compatissante sur mon épaule et me tend les clés, avant de me serrer fort dans ses bras.

-On ne va pas la laisser tomber, je te le promets. __dit-il, ses lèvres contre mon front__ Mais là, on n'a pas le choix. Ne m'en veux pas, s'il te plaît.

-Non, __le rassuré-je d'un sourire forcé__ je comprends !

Il hoche la tête et m'embrasse la joue.
En ce qui me concerne, je tourne les talons et sors du poste, bien décidée à ne pas rester les bras croisés et laisser Anissa retourner dans cet enfer.

Qu'ils veuillent suivre la loi et faire les choses dans les règles de l'art, c'est très bien. Mais que fait-on de toutes ces fois où il n'y a pas eu de prochaine fois ?
Toutes ces vies innocentes qui ont été arrachées ? Toutes ces personnes qu'on n'a pas pu sauver ?
Que fait-on de toutes ces fois où il était trop tard ? Toutes ces fois où l'irréparable avait déjà été commis ?

Alors oui, la justice finit peut-être toujours par l'emporter, mais elle aussi bien connue pour être monstrueusement lente. Et là, on n'a pas le temps !

D'un pas rapide, je me dirige vers le parking et monte dans l'habitacle avant de sortir de ma poche mon gsm et composer le numéro fixe de la maison.
Tout de suite, la voix de mon amie retentit de l'autre côté du combiné.

-Il faut que tu t'en aille. Tante Arlines arrive te chercher, on n'a rien pu faire, Anissa. Sors vite de la maison, je t'en prie.

Plusieurs secondes s'écoulent sans que je ne reçoive de réponse. Alors je l'appelle, encore et encore, sans que jamais elle ne réagisse.

En moins de temps qu'il faut pour le dire, j'aperçois déjà mes parents sortir du poste de police. La panique me gagne.

A cet instant, je ne pense qu'à une seule chose : la sortir là.
Je lui donne donc mes dernières directives et raccroche, priant au plus profond de moi-même pour que mes mots ne soient pas tombés dans l'oreille d'une sourde.

C'est ainsi que, dix minutes environ plus tard, nous nous mettons en chemin vers notre domicile.
Il n'y a pas un seul bouchon, les feux sont tous au vert, la circulation agréable, rapide et fluide.
C'est à croire que l'univers entier est contre moi.

Papa se gare rapidement sur le côté, claque la portière et rejoint les agents et tante Arlines devant la porte.
Une fois cette dernière ouverte, la belle-mère d'Anissa nous bouscule et entre en trombe dans la maison hurlant à tue-tête le nom de sa victime.

En silence, je pars m'assoir sur le canapé et profite, jusqu'à ce qu'à la suite de plusieurs fouilles, ils réalisent tous qu'elle n'est pas là.

-Où avez-vous mise ma fille ? __elle attrape mon père par le col de sa chemise, complètement folle de rage__ Rendez-la moi tout de suite, bande de salops !

Les policiers la détachent de mon paternel et tentent de la calmer, alors que ma mère, après m'avoir lancé un regard interrogatif, avance lentement vers les portes françaises à ma droite.
Elles sont grandement ouvertes.

-Rendez-moi ma fille, où l'avez-vous cachée ? __elle s'emporte__ Rendez-la moi !

-Anissa n'est pas ici !

Tous se retournent vers maman.

-Elle... Elle s'est enfuie.

Anissa - Sublimes Cicatrices (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant