~~Anissa~~
Ma vision floutée par le trop plein de larmes qui habite mes yeux, je me force à garder la main tendue et les sourcils froncés, attendant impatiemment que Samia daigne enfin prendre son sac.
En vérité, je prie du plus profond de mon cœur pour qu'elle le prenne et s'en aille, car je suis à deux doigts de m'écrouler.J'ai toujours considéré Samia comme la seule valeur sûre qu'il me resterait, même si tout autour de moi venait à s'écrouler.
Elle a été ma meilleure amie et avait autrefois cette capacité incroyable de me calmer et remettre le sourire sur mon visage, en un claquement de doigts.
Cette aura de paix et de gaieté qu'elle dégageait constamment me rassurait, beaucoup. Et je me sentais bien à ses côtés.
Jamais je n'aurais pensé qu'on en arriverait là.Debout en face d'elle, le cœur battant la chamade, je me retiens de fondre en larmes.
Ses mots raisonnent dans ma tête, son regard et sa colère tournent en boucle dans mon esprit et, aussi bête que cela puisse paraître, tout ce que j'en retiens c'est qu'elle ne voit en moi qu'une pauvre jeune fille faible qui n'a pas su encaisser les coups que la vie lui portait.
Et elle a raison.
Même si cela me coûte de l'admettre, il est évident qu'elle n'a pas tort.
Je ne suis pas une guerrière, en tout cas pas autant qu'elle.-Anissa, __dit-elle, la voix étranglée__ s'il te plaît, je suis désolée !
Quand je pense qu'il y a quelques années encore, c'était moi qui la bassinais de reproches et leçons de moral, un sourire moqueur prend naissance sur mes lèvres.
Je ne suis même pas capable d'appliquer mes propres conseils. C'est déprimant !-Je ne me répèterais pas, Samia. Va-t-en !
-Anissa...
Sur le point de craquer, je plaque le cartable contre sa poitrine et la prend par les épaules, la poussant frénétiquement hors de ma chambre.
Mais alors que je me retrouve seule et que mes émotions prennent enfin le dessus, je perds totalement le contrôle.
A moitié courbée et au bord de la détresse respiratoire, je hurle de toutes mes forces, avant de m'écrouler sous le poids de mon propre corps, et atterrir sur les genoux.
Je n'en peux plus...S'il y a cinq ans, quelqu'un m'avait dit que j'en serais là aujourd'hui, je lui aurais rit au nez.
Au fond, malgré toutes les bêtises que j'ose dire, je ne demande qu'à m'en sortir. Tout ce que je veux c'est parvenir à me relever, sortir de ce fossé et marcher vers ma guérison.
J'aimerais reprendre ma vie en mains, soigner mon moi intérieur et redevenir la jeune fille joyeuse que j'étais.
Mais je ne peux pas, je ne sais pas comment faire ; et j'ai l'impression que personne ne peut m'aider.-Pourquoi t'as laissé faire ça ? __parvins-je à prononcer entre deux sanglots__ Tu disais que tu m'aimais alors pourquoi tu as laissé faire ça ? Tu savais que je ne le supporterais pas, tu savais que je n'étais pas assez forte pour m'en sortir alors pourquoi m'infliger ça ?
Le visage complètement humide et dégoulinant, je renifle et lève la tête, fixant désormais un point invisible.
-Ça t'amuse de me voir comme ça ? __laissé-je libre court à ma colère__ C'est donc ce genre de père que tu es ? Un père fouettard qui se plaît à voir ses enfants souffrir ? Tu m'as pris ma mère, tu as laissé cet incendie tuer mon père ; tu m'as ensuite placé dans les mains d'une femme qui m'a traité comme si je n'étais qu'un vulgaire chiffon. Quand est-ce ça va s'arrêter ? Je n'en peux plus moi.
Ma poitrine est compressée et j'ai de plus en plus de mal à respirer.
-Qu'est-ce que tu attends de moi ? __murmuré-je__ Dis-le moi, je t'en supplie. Me laisse pas comme ça, s'il te plaît.
-Anissa ? __la porte s'ouvre brusquement sur Tante Arlines__
Doucement, je me relève, sèche mes larmes et retourne m'assoir sur mon lit, rangeant le bazar qui s'y trouve.
-Anissa, ça va ? __s'accroupit-elle face à moi, visiblement inquiète__
Sans aucune réponse pour elle, je me lève et effectue des allers-retours, entre mon bureau et ma couche.
-Tu pourrais arrêter de m'ignorer ? __dit-elle d'une voix suppliante__ J'essaie d'être gentille, j'essaie de changer et te traiter comme il se doit, mais tu complique les choses Anissa.
-Je n'ai pas besoin de toi. __la bousculé-je pour accéder à mon armoire__ Sors d'ici !
Mes mots semblent avoir l'effet escompté, puisqu'elle soupire, tourne les talons et marche en direction de la porte.
Mais alors que je pense être enfin débarrassée d'elle, je sens des mains me saisir par les épaules, me forçant à me retouner.-Pourquoi tu te comporte ainsi ? __ancre-t-elle son regard dans le mien__ Je fais des efforts Anissa, Je.Fais.Des.Efforts. Mais tu t'en fiche complètement. Tu ne veux même pas...
-Oui, oui, __me libéré-je de son emprise, hurlant à tue-tête__ je m'en fiche, ok ? Je ne veux rien qui vienne de toi. Ni ta sympathie, ni ton attention, ni tes airs de mère de famille. Tu n'es pas ma mère, et je ne te demande rien.
-Anissa, je te rappelle que tu es sous ma responsabilité. Je suis ta tutrice légale alors tu vas me faire le plaisir de baisser d'un ton.
-Tu veux que je me calme ? Mais alors fous moi la paix, dégage. Et laisse moi enfin tranquille. Je ne t'aime pas, et ça ne changera jamais. Casse toi !
A peine ai-je prononcé le dernier mot de ma phrase qu'elle m'assène d'une gifle si forte que j'en perds l'équilibre.
Sans même me laisser le temps de reprendre mes esprits, elle s'approche de moi, m'attrape d'une main par les cheveux, pendant que l'autre s'attèle à me presser la mâchoire.
Mes larmes coulent...-Écoute moi bien espèce de petite sotte, ne joue pas à ça avec moi, ok ? __lâche-t-elle d'un ton dur et menaçant__ Cesse de monter sur tes grands chevaux. Je veux bien être gentille, mais ça ne te donne pas le droit de me manquer de respect. Tu me connais Anissa, tu sais aussi...
Tante Arlines est subitement coupée dans son élan lorsque la porte de ma chambre s'ouvre une seconde fois, laissant apparaître cette fois-ci Samia, accompagnée de sa mère.
-Mais qu'est-ce que vous faites ? __s'écrit Tante Diane__
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Anissa - Sublimes Cicatrices (Tome 1)
De TodoTrois ans. Voilà désormais trois années que mes pieds n'ont pas foulé le sol de cette ville. Trois ans que je n'ai pas revu ce ciel, ces immeubles, ces routes, ces personnes, ce quartier. Daossi a toujours beaucoup compté à mes yeux, car elle a ét...