~~Anissa~~
Debout dans ce parking désert, mes trois sacs en main, je les regarde s'en aller.
C'est la première fois depuis deux ans que quelqu'un me défend comme cela.
Au cours des vingt-quatre derniers mois, la vie m'a enseigné la cruauté du monde et celle de l'être humain en particulier.Depuis environ 743 jours, je vis un véritable enfer, une descente dans un puit sans fond. Pourtant aujourd'hui, je me suis sentie bien.
Non pas que ça m'ait réjouit de voir cette dame recevoir une gifle d'une telle puissance, mais cela m'a fait du bien de voir cette femme au regard tendre et aux gestes si maternels me défendre comme si j'étais de son sang.Au fond, elle n'avait aucune raison de le faire.
Après tout qui suis-je ? Une petite fille issue d'une famille modeste qui a pris le risque d'acheter ses fournitures scolaires dans le tout nouveau supermarché de la ville ?
Sans doute...
Mais cette dame n'a pas vu que cela en moi.
Elle a vu une enfant, une petite fille dont elle a bien voulu s'occuper, bien que le temps de quelques minutes seulement.
Et ça pour moi, ça vaut tout l'or du monde.Je repositionne ma capuche correctement et m'assois sur une dalle en ciment, en attendant Nik.
Au bout de deux heures, je décide de rentrer à la maison, kit à me faire gronder par Tata Arlines.
Je veux bien être sympa mais je suis épuisée et jai besoin de repos.Je prends donc le chemin de la maison et arrive après une quinzaine de minutes de marche.
Lorsque je pousse le portillon et accède à la porte d'entrée, j'y trouve les sandales de Nik.
Pourtant, je me souviens l'avoir vue les enfiler.
Elle est donc rentrée ? Sans moi ?Je pose les sacs et commence à ranger les courses lorsque la voix de ma belle-mère rententit :
-Où étais-tu ?
Je me lève et me tourne vers elle, la tête baissée.
-Au supermarché, comme tu me l'as ordonné !
Elle s'approche lentement de moi et tire sur mon oreille droite. Je geins !
-Ne me prends pas pour une idiote. Ça fait trois heures que tu as quitté la maison et Nik est rentrée il y a une heure maintenant. Où est-ce que tu étais ?
Debout dans l'embrasure de la porte, Nik tente de convaincre sa mère de me lâcher.
-C'est comme ça maintenant ? __ignore-t-elle sa fille, me poussant si fort que j'en tombe__ Madame se permet d'aller promener ses fesses dans la ville avec mes courses ?
-Non tata, j'étais en train d'attendre Nik. Je ne savais pas qu'elle était rentrée, je te jure.
-Et tu te permets de mentir sur le nom de ma fille ? __me tape-t-elle les cuisses__ Tu es devenue une menteuse alors ?
Je tente de m'éloigner d'elle mais elle m'attrape par la cheville et me tire frénétiquement vers ses jambes.
-Je vais te poser la question pour la dernière fois : où diable étais-tu Anissa ?
-Au supermarché, je te jure. J'ai attendu Nik pendant deux heures, on avait convenu de se retrouver dans le parking puis rentrer ensemble. Nik tu sais que je dis la vérité !
Mes yeux s'embuent et mon cœur bat désormais la chamade car je sais ce qui m'attends.
J'ignore si elle l'a fait exprès mais une chose est sûre : quelle que soit l'issue de cette discussion, Tata Arlines sera sur mon dos jusqu'à ce qu'elle trouve une raison de me frapper prochainement.-Maman, arrête, laisse la tranquille !
-Donc moi, moi je t'ai éduqué pour que tu devienne une menteuse ? __elle attache un peu mieux son pagne__ Cela fait deux ans que je fais des efforts et c'est comme ça que tu me paie ? En mentant ? Hum... Ok Anissa. C'est ce qu'on va voir dans cette maison.
Non sans me mettre un coup de pied, ma tortionnaire quitte enfin la pièce, me laissant là, allongée sur le sol.
-Je suis désolée ! __Nik tente une approche__
-Tu n'as pas intérêt à poser tes mains sur moi ! __lui lancé-je un regard noir__ J'en ai plus que marre de tes excuses à la noix. C'est tout le temps la même histoire et à chaque fois je me fais frapper par ta faute.
-Je ne l'ai pas fait exprès, je ne savais pas que tu n'étais pas enore rentrée ! Pardonne moi.
Je me lève et sèche mes larmes, lui tourne le dos et retourne à ma précédente tâche.
-Évidemment ! Toi tu ne fais jamais exprès. Immaculée comme blanche neige.
-Ani...
-Sors d'ici ! __ordonné-je__
-Ne te fâch...
-J'ai dit dehors ! __haussé-je le ton__ Dégage, éloigne toi de moi.
Je la prend par les épaules et la pousse hors de la cuisine.
J'en ai marre que tout ce qui m'arrive soit causé par sa langue pendue.
Au début, j'ai vraiment cru que c'était des erreurs, des malentendus. Je pensais que c'était Tata qui comprenait mal ce qu'elle racontait. Et même si je sais que cette première dramatise toujours tout en ce qui me concerne, il est évident que Nik n'y est pas pour rien.Du haut de son petit mètre soixante, elle a été, aux suites de l'incendie, la seule qui était encore un temps soit peu gentille avec moi.
Et je croyais réellement pouvoir lui faire confiance.
Pourtant, aujourd'hui, j'en viens à douter de ses motivations.Je termine le rangement des courses et m'attèle à préparer le dîner.
Deux heures plus tard, je monte la table et y dispose tous les plats avant de saisir le sac de courses qui est mien et monter à l'étage.Dans le couloir, je croise ma demi-sœur qui sort de sa chambre - sûrement pour aller manger - Mais l'ignore et ferme ma porte sur elle.
Assise sur mon lit, je laisse couler les quelques larmes que je retiens depuis tout à l'heure et tente de me calmer. Mes yeux se posent alors sur le sac duquel dépassent mes nouvelles fournitures et le souvenir de cette bonne samaraitaine me revient en tête.
Un sourire tente de se frayer un chemin sur mes lèvres balafrées et je m'empresse de tout déballer.A ma grande surprise, lorsque je sors les trois paquets de cahiers pour les ranger dans les tiroirs de mon petit bureau en bois, je remarque que ce ne sont pas ceux que j'avais choisi mais plutôt d'autres qui, au vu du montant inscrit sur l'étiquette, coûtent 15.000 francs.
Ma main se pose instinctivement sur ma bouche et la culpabilité monte en moi quand je réalise qu'il y a eu une petite confusion lors du rangement des affaires et que par ma faute, l'un de ses enfants va devoir se coltiner des cahiers de mauvaise qualité toute l'année.
Mince, mince, mince !
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Anissa - Sublimes Cicatrices (Tome 1)
DiversosTrois ans. Voilà désormais trois années que mes pieds n'ont pas foulé le sol de cette ville. Trois ans que je n'ai pas revu ce ciel, ces immeubles, ces routes, ces personnes, ce quartier. Daossi a toujours beaucoup compté à mes yeux, car elle a ét...