Chambre d'ami(e)s

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~~Anissa~~

Le reste du trajet s'est fait dans le plus grand des silences.
Assis sur les deux sièges avants, les parents de Samia, après leur dispute, ne se sont plus adressés un seul regard.

Cependant, de temps en temps, tante Diane se retournait et me demandait d'un air soucieux si tout allait bien.
Je me contentais de hocher la tête, n'ayant pas spécialement envie de l'inquiéter.

La vérité c'est que je ne sais quoi penser.
Je devrais être heureuse.
Pendant plusieurs mois, j'ai espéré que ce cauchemar cesse. Alors que je vivais encore avec tante Arlines et étais la cible de ses mauvais traitements, j'ai espéré du plus profond de mon cœur qu'un beau jour, cela s'arrête.
Alors pourquoi ne parvins-je pas à m'en réjouir ?

Le touché de Samia me sort de ma rêverie et je constate avec surprise que nous sommes garés dans le parking de leur ancienne maison.
Cette maison où tout a commencé...

Je sèche mes larmes et sors de l'habitacle, très vite rejointe par tante Diane qui me prend dans ses bras, avant de poser un baiser sur mon front.
Je ferme les yeux à ce doux contact, savourant plus que de raison cette caresse maternelle.

-Tu vas être bien ici, __murmure-t-elle à mon oreille__ je te le promets !

Je m'efforce à lui adresser un sourire et, ensemble, nous pénétrons dans le vestibule de cette magnifique demeure.
Rien n'a changé !

Les murs en brique peints d'un blanc cassé - s'harmonisant parfaitement avec le parquet en bois, les luminaires - qui donnent à la pièce un petit côté chaleureux, la disposition des meubles, la grande porte française donnant sur un petit jardin - au-delà duquel je peux apercevoir mon ancien chez moi.
Mon cœur se brise.

Me libérant - bien qu'à contre-cœur - de l'étreinte chaleureuse de tante Diane, je marche d'un pas hésitant vers ladite porte, le regard fixé sur ce qui reste de notre maison.
Les yeux baignés de larmes, je contemple d'un air triste les murs noircis par les flammes, alors que des souvenirs clairs de ce jour me reviennent en tête.

Pour la seconde fois, Samia interrompt le flux de mes pensées, se plaçant face à moi, de sorte à ce que je ne me concentre plus que sur elle.

-Tu viens ? __me prend-elle la main__ Je vais te montrer ta chambre.

J'acquiesce et jette un dernier regard par-dessus mon épaule, avant de la suivre.
Nous montons les escaliers et prenons le couloir à notre droite - celui de la chambre parentale.

Je me suis d'ailleurs toujours demandée pourquoi les chambres d'ami(e)s se trouvaient de ce côté de la maison.
Peut-être avaient-ils à cœur d'épier les faits et gestes nocturnes de leurs visiteurs.
Mais le fait est que, dans la situation actuelle, je suis heureuse que ma chambre s'y trouve.
Savoir tante Diane si proche de ma couche fait naître en moi un sentiment de sécurité qui m'était jusqu'ici inconnu.
Je sais qu'en cas de problème, elle sera là pour me défendre.
Et même si ses méthodes ne sont pas les plus douces qui existent, elles ont au moins pour mérite d'être efficaces.
La preuve avec la caissière du supermarché...

Samia ouvre la porte, laissant apparaître une pièce au décor aussi beau que lumineux et accueillant.
Un lit à baldaquin placé en face d'un petit bureau, des luminaires - au ton jaunâtre encastrés dans le plafond et une fenêtre donnant sur l'arrière-cour.

-Là il y a un petit dressing et je me suis permise d'y mettre quelques affaires appartenant à Sam, __lance-t-elle ensuite un regard à sa fille__ j'espère que ça ne te dérange pas mon cœur.

Samia remue la tête comme pour donner son accord. Sa mère poursuit.

-Ici tu as la salle de bain, tout y est. Prends une petite douche et repose toi. Je viendrais te voir plus tard, d'accord ?

-Je ne sais pas comment vous remercier. __dis-je, une fois qu'elle fut à mon niveau__ Je ne veux surtout pas vous déranger et...

-Tututut... __me coupe-t-elle la parole__ Tu es ici chez toi, tu ne dérange personne. Et concernant les remerciements, la seule manière pour toi de m'exprimer ta gratitude c'est de sortir de cette chambre, un sourire étincelant aux lèvres. Tu peux faire ça pour moi ?

Je me permets alors de me plonger dans ses bras, chuchotant un merci à peine audible.
Elle me sourit, me caresse la joue et s'en va - en compagnie de Samia.

Je me retrouve seule.
Dans cette pièce qui fait trois fois la taille de mon acienne chambre, je me retrouve abandonnée à moi-même, sans aucun repère.
Je marche lentement vers la salle d'eau, retire mes vêtements et pénètre dans la cabine de douche.

Que vais-je devenir ?
Tante Diane a beau être la personne la plus gentille au monde, je ne me vois décemment pas vivre à son crochet toute ma vie. Et puis, qui prendra en charge ma scolarité ? Tante Arlines va-t-elle abandonner si facilement ce combat ?
Tant de questions qui me trottent dans la tête, sans que jamais une seule réponse ne me parvienne.

Après ma douche, j'entoure mon frêle corps d'une serviette et retourne dans la chambre, d'où je sors de l'armoire un t-shirt gris et un bas de jogging, tous imprégnés du parfum aux saveurs printanières de Samia.
Une fois vêtue, je m'assois sur le bord du lit, en face de la fenêtre, songeant à ce que va être ma vie à partir de maintenant.
Tout ce qui me reste de mon ancienne vie c'est ce pendentif, contenant une photo de papa, maman et moi, à mon cinquième anniversaire.

Je le prend dans mes mains, l'ouvre et caresse doucement ce cliché de bonheur.
Une larme chaude s'échappe alors de mes yeux, bien vite rattrapée par une main d'homme.
Je sursaute !

-Désolé, désolé ! __ledit jeune garçon s'écarte-t-il de moi__ J'ai frappé mais tu n'as pas répondu.

-Qui es-tu ? __froncé-je les sourcils__

Il lâche un rire franc, retire sa casquette et me regarde - l'air de dire : alors, ça te revient ?

Les yeux ronds, je fais la bouche en "O", avant de me lever en trombe et lui tomber dans les bras.

-Yohann !

-Alors, __il glousse, m'entourant de ses grands bras__ ça va, petite tête ?

Nous restons là, dans les bras l'un de l'autre, le temps de quelques précieuses secondes, avant que je ne m'écarte de lui, le sourire aux lèvres.

-Tu as tellement changé ! __scruté-je avec attention chaque trait de son visage__

-Et toi tu es toujours aussi belle ! __me pince-t-il le nez. Je grimace__

Bien que son compliment me semble peu sincère, je l'accepte de bon cœur et le remercie, alors qu'il m'installe sur le lit, tirant ensuite la chaise du bureau, afin de s'assoir en face de moi.

-Ça fait plaisir de te revoir ! __me prend-il les mains, un sourire rassurant pendu aux lèvres__

Anissa - Sublimes Cicatrices (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant