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Je ne sais pas combien de temps je restai comme ça, à marcher à pas hésitants, emportant le corps immobile et froid d'Alecto dans mes bras.

Mon visage était empli de larmes dont le goût salé desséchait mes lèvres. Je ne voulais pas m'arrêter.

Je poursuivis mon chemin jusqu'à arriver à un grand chêne droit et haut, c'était le bon.

Je l'attachai à l'arbre rassemblai quelques branches à ses pieds en gravant son nom sur le tronc. C'était ainsi que l'on célébrait les morts dans le Sept, plus la personne était importante, plus son arbre était grand et fort alors ce chêne me convenait.

J'allumai le feu avec mon briquet argenté et je regardai l'arbre se consumer jusqu'à la dernière cendre en hommage.

J'avais cessé de pleurer, c'est ce qu'il aurait voulu et je me détournai de l'arbre, en avançant un peu au hasard dans la forêt, la nuit allait tomber.

Je m'installai dans un arbre avant d'entendre l'hymne du Capitole résonner. Je levai les yeux et vit apparaître le visage d'Ériny dans le ciel puis celui d'Abraxan. Celui de Sylla s'ensuivit puis celui d'Alecto, avec ses yeux noirs d'encre et son regard rebelle.

Il disparut dans le ciel et je fermai les yeux, bercée par l'hymne que je haïssait tant.

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Quand mes yeux s'ouvrirent, je ne pensais plus à rien ; j'étais dans un espèce d'état second qui ne me permettait aucun mouvement. J'étais seule parmi un vague océan de pensées.

Quand toute la réalité me revint, je sentis de nouveau le nœud se former dans ma gorge et me saisir le ventre, je mourrais de faim et de soif.

Je saisis alors ma gourde et bus goulûment un bon quart de mon eau. Il ne me restait plus que celle d'Alecto que j'avais conservée. Je dégustai encore un peu du repas au saumon que l'on m'avait envoyé hier mais j'avais l'impression que ce moment remontait à une éternité.

Silencieuse, je contemplai ce qu'il me restait comme vivres et je fus agréablement surprise en découvrant que le sac d'Alecto était rempli de baies en tous genres. Il devait sans doute m'en rester assez pour le peu de temps que j'allais encore passer dans l'arène. Combien de temps en fait ?

Le temps passé dan l'arène semblait multiplié par mille mais je me rappelai que je n'avais passé que cinq jours.

Cinq jours qui m'avaient paru durer un mois.

Le Capitole doit être ravi, il n'a jamais assisté à des Jeux aussi sanglants, c'est sûr. Neuf morts le premier jour, quatre le deuxième, un le troisième et quatre encore pour hier ! Combien y en aura-t-il aujourd'hui ?

Je soupirai, je ne voulais pas bouger, je ne voyais pas la nécessité de me déplacer alors que je trouvais mon arbre plutôt confortable. Je me trouvai une occupation en découpant dans un morceau de bois. J'en fabriquai une tête de félin, une petite panthère. Je pensais l'offrir à Kaden en souvenir de sa sœur même si je ne voyais pas comment je pourrais lui donner.

Je retouchais machinalement sa tête en terminant ses moustaches quand je me demandai comment tout cela allait terminer. Jusqu'à là, j'avais improvisé et vécu au jour le jour, mais je ne gagnerais jamais si je ne faisais pas de stratégie.

Gagner, gagner et laisser Kaden et Parthe morts dans l'arène, en étais-je vraiment capable ?

C'est alors que je réalisai que je pourrai jamais tuer ni l'un ni l'autre, je ne pouvais pas laisser les parents de Parthe vivre leur vie sans deux de leurs enfants !

Et Kaden ?

Je baissai les yeux, il était le frère de celle que j'avais considérée comme ma sœur. Je ne me pardonnerai jamais sa mort.

Le seul qui ne me posait aucun problème était Karib. Je le haïssais mais pourtant le laissais dans l'arène en vie. En réalité, il fallait me rendre à l'évidence, j'espérais qu'il tue l'un d'entre nous pour clore définitivement cette histoire. Ne serait-il pas plus simple d'un côté que ce soit lui qui gagne ? La seule chose qui m'empêchais de faire ça était de perdurer l'histoire des Jeux en laissant de nouveau quelqu'un du Sept, à deux pas de la Victoire, se faire tuer par un Carrière du Quatre.

Je ne pouvais pas non plus mourir et envoyer Will aux Jeux par le même instant, qu'en serait-il d'Anya et Dune ?

Cette idée me fit frissonner. J'avais l'impression que dans tous les cas, je finirais mal et cela ne me plaisait pas. J'avais envie de suivre le dernier conseil d'Alecto mais je me sentais tellement égoïste en pensant cela que je ne pouvais pas l'envisager. Ce qui me ramena à ma bonne vieille stratégie : improviser.

Je soupirai de nouveau et glissai ma tête de panthère dans ma poche et finis par m'endormir malgré le soleil déjà haut dans le ciel.

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Un vent violent me fouettait le visage quand je me réveillai. Il semblait s'être levé d'un coup dans l'arène et je mis quelques minutes à me rappeler de ce qu'il s'était passé. Quelque chose semblait venir droit sur moi...

Une tornade ! Je retins un hurlement et descendis de mon arbre avant qu'il ne craque d'un coup, la moitié de son tronc se déchirant.

Je me mis à courir parce qu'il était évident qu'elle m'était destinée pour faire rire le Capitole. Je serrai les dents avant d'accélérer en suppliant pour que personne ne vienne, alerté par tant de grabuge. Il devait déjà être le soir car le ciel s'était nettement assombri et que mon ventre gargouillait avec férocité. Je me notai intérieurement de chasser le lendemain même si je n'en aurais peut-être pas le temps ou tout bêtement pas de lendemain.

Je repris ma respiration en jetant un œil derrière moi, la tornade c'était arrêtée.

Surprise, je revins sur mes pas avant de choquer en pleine face une surface lisse et plane. Du verre.

Derrière, la forêt était paisible mais inaccessible. Les Juges étaient tout bêtement en train de nous rassembler pour le combat final. Il feront sans doute en sorte qu'il est lieu dans un endroit dégagé comme la plaine ou la Corne d'abondance donc je me décidai de prendre cette direction pour y devancer mes adversaires. J'y serais sans doute avant la tombée de la nuit et je veillerai pour guetter la situation.

Je marchais énergiquement, l'œil aux aguets à la recherche de n'importe quelle trace de vie. Je ne trouvais pourtant rien. Il n'y avait presque aucun animal ici et notre seule source de nourriture était les sponsors et ce que l'on avait gagné à la Corne. Il y avait bien quelques feuilles, mais rien qui nous permettrait de tenir bien longtemps.

Je ramassai une brassée de feuilles que l'on appelait hellé ou tout simplement coupe faim. Cette plante pouvait te caler pendant des heures même si son goût était horriblement désagréable.

Je mâchonnai quelques feuilles avant d'arriver à la lisière de la Corne. Je grimpai en haut de mon arbre favori et attendis la nuit.

Elle ne tarda pas de trop et j'entendis l'hymne du Capitole sans rien voir. Aucun mort et même galère demain.

Je soupirai, demain allait sans doute être la lutte finale. Je frissonnai et manquai de peu de renvoyer mes feuilles à cette pensée. Je ne le voulais pas.

Je finis par me caler dans mon arbre et scruter la nuit sans rien apercevoir d'autre que la douce oscillation des arbres au gré du vent.

La Gladiatrice - Fanfiction Hunger Games -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant