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La jeune femme comprit vite que j'allais mal et elle me prit par le bras, je gémis sans pour autant protester. Elle me fourra dans l'ascenseur, arrivé miraculeusement et me murmura à l'oreille à toute vitesse :

- Ressaisis-toi ! Il ne faut pas que l'on voie que tu as pleuré, ils ont besoin de quelqu'un de fort. Oublie tout juste quelques heures, tu vas probablement jouer notre avenir à tous.

Je la regardai, terrorisée, elle voulait que j'oublie Arran qui était probablement torturé en ce moment même pour jouer la Carrière devant tout Panem ? J'en étais incapable.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent et elle s'éloigna de moi en prenant la direction de la salle qui devait probablement être pleine à craquer de tous mes admirateurs elle me lança au dernier moment, la voix légèrement nouée :

- Surtout, sois toi-même.

Ma styliste se retourna et s'éloigna vers couloir, ses talons claquant sur le parquet impeccablement ciré comme tout l'univers bling-bling qui m'entourait à présent.

Je la regardai, complètement déroutée jusqu'à ce qu'un homme me guide dans le coulisses et me dise ce que je devais faire. Je ne l'écoutais que d'une oreille, complètement absente et désorientée cherchant Galatée du regard comme un enfant chercherait sa mère. Je tremblais de tous mes membres en attendant derrière des rideaux regardant l'aiguille d'une pendule posée négligemment dans un coin avancer inévitablement vers l'heure de la revue.

Je réalisai alors ce que j'allais devoir supporter ; tous mes Jeux du début à la fin sans m'épargner la moindre goutte de sang que j'aurai versée et toutes les malheureuses victimes.

Je respirai un grand coup en entendant l'hymne du Capitole retentir, j'allais apparaître à l'écran dans quelques secondes.

Caesar Flikerman commença à parler avec son habituel entrain mais je n'écoutais pas ce qu'il disait, j'entendais juste un bourdonnement incessant dans mes oreilles. Ce ne fut que lorsqu'un homme me poussa sur scène que je réalisai qu'il fallait que je me ressaisisse au plus vite. J'enfermai alors tous mes sentiments au fond de mon cœur, comme à mon habitude, avant d'afficher un visage dénué d'émotion sous le feu des projecteurs qui m'aveuglaient. Mon nom était hurlé partout, on me couvrait de fleurs pour les horreurs que j'avais commises.

J'avançai d'un pas décidé vers Caesar qui m'attendait, un sourire aux lèvres en me présentant un fauteuil rouge à ses côtés. A la vue de ce siège, j'eus un léger vertige que je fis aussitôt passer pour un mouvement décidé, il fallait que je tienne.

En face, un écran noir, c'est là que j'allais voir mes pires cauchemars s'afficher. Je m'assis docilement même si j'avais plutôt envie de m'enfuir loin de là. Cependant, Galatée avait raison, tout le monde me regardait, j'allais me venger du Capitole et ils ne pourront rien y faire.

- Laureleen ! s'écria Caesar à ma vue. La fille la plus attendue de Panem entier, la Gladiatrice en personne !

Je le saluai d'un signe de tête agacé mais s'il l'avait remarqué, il ne sembla pas le moins du monde s'en offusquer.

- Alors, comment te sens-tu maintenant que tu sais que tu vas rentrer chez toi ?

Je voulais lui répondre un tissu de mensonges tout inventé quand je me rappelai des dernières paroles de Galatée : « sois toi-même »

J'inspirai donc un grand coup avant de me lancer dans la mêlée.

- Je ne sais pas, je n'y ai pas beaucoup réfléchi depuis que je me suis réveillée, la journée s'est passée très vite mais j'imagine que j'aurai hâte.

- Il y a à peine deux semaines tu étais dans ton district, le jour de ta Moisson n'est ce pas incroyable alors que maintenant tu es reconnue dans Panem entier.

- Incroyable ne serait pas le mot que j'aurais employé...

- Quel mot aurait-tu employé alors ? demanda Caesar curieux.

- Hum... plutôt étrange.

Étrange était un bien faible mot pour décrire ma révolte mais je ne pouvais pas me permettre plus.

L'écran en face de moi s'alluma et je tournai immédiatement les yeux vers lui, sans écouter le moins du monde Caesar qui s'exclamait au public avec son entrain habituel.

La Moisson passa sous mes yeux, toujours aussi intolérable. Le pire fut sans doute le visage de Kaden et dire qu'à ce moment là, il avait déjà prévu de me tuer, si je l'avais su...

Je pris une respiration discrète avant de voir l'écran se couper juste pour un instant.

- Nous aimerions revenir à cette Moisson Laureleen, commença Caesar, le district Sept est très surprenant pour la loyauté qui les unit entre eux. Jamais nous n'aurions pensé que l'histoire d'une fille morte l'année précédente aurait pu revenir ainsi, pas vrai les amis ?

Le public hurla et je finis par sourire en répondant :

- Je ne pouvais pas me permettre de perdre ces Jeux, mon ami Will aurait sans hésiter pris la place du garçon l'année suivante et l'histoire se serait poursuivie. Nous nommes très liés dans mon district, comme une grande famille. Alors quand nous perdons nos tributs dans les Jeux, nous pleurons ensemble, puis nous ressaisissions et finissons par célébrer notre victoire car une cause n'est jamais perdus tant que l'on se donne les moyens pour l'obtenir.

- Je vois mais ton district est donc assez vengeur, en particulier entre eux non ? C'est bien ce que nous a prouvé Kaden Shaw et le retournement de situation si imprévu à la fin de tes Jeux.

- Non, Kaden à fait ce qu'il pensait le mieux faire, il n'y a pas de rapport entre son choix et nos rapports très soudés qui existent entre les habitants de notre district.

Je l'avoue, mon discours à un parfum de rébellion bien dissimulé, mais présent. Le Capitole ne pourra plus rien y faire maintenant que la retransmission est en direct.

Le film reprend et on me voit sur le char même s'ils ont coupé le moment où je serrais la rose dans mes doigts en sang, a vrai dire, j'en étais persuadée.

Caesar ne fit presque aucun commentaire sur cette séquence hormis le succès que nous avions immédiatement reçu du Capitole. Les interviews passent, bien trop vite à mon goût car on me voit à présent dans l'arène, prête au top départ.

J'ai l'air d'un prédateur féroce en tuant de sang-froid la fille du Un et en hurlant à Karib de se méfier. Caesar me demande alors, à mon plus grand désarroi :

- Qu'as-tu ressenti lorsque tu as fait ta première victime ?

- J'étais tellement dans le feu de l'action que je ne m'en étais presque pas rendu compte. Ma réponse peut vous paraître sans cœur mais vous ne pouvez pas comprendre, l'arène vous change, vous transforme en machine à tuer et vous prend votre contrôle. Vous n'avez plus rien à la sortie alors peu de personnes en réchappent, trop dégoûtées d'elles-mêmes mais je pense qu'il y a encore une opportunité de nous sortir de là. Il faut penser à autre chose et reprendre notre vie d'avant alors tout devra se remettre dans l'ordre.

J'avais mis le doigt sur un sujet sensible au Capitole mais je ne le regrettais pas le moins du monde.

- Nous espérons que ce sera ton cas Laureleen ! s'écria Caesar. Nous souhaiterions plus que tout te revoir l'année prochaine et toutes celles d'après en tant que mentor n'est ce pas ?

La foule m'acclama et je dus produire un effort considérable pour ne pas leur cracher dessus tellement que mon cœur était empli de haine sourde, nous forcer à revenir chaque année au Capitole affronter ça... il ne pensaient pas qu'un an de souffrances suffiraient ?

Non, quand on est dans les griffes du Capitole, on y reste. 

La Gladiatrice - Fanfiction Hunger Games -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant