Chapitre 28

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À l'entente de ces mots, son sourire s'élargit encore plus, tandis qu'une vague d'émotions parcourait tout mon esprit. J'aurai dû être heureuse à ce moment-là, de la retrouver, d'avoir enfin la possibilité de rattraper le temps perdu avec elle, mais, en même temps, je ressentais de la frustration et de la colère qui m'empêchaient de réfléchir avec cohérence. Cette femme, juste devant moi, était peut-être, si on ne me cachait encore rien, l'une des dernières personnes de ma famille encore en vie. Elle disait être heureuse de me retrouver. Mais pourquoi est-ce qu'elle avait attendu tout ce temps ? Pourquoi n'était-elle pas restée ? Elle savait, c'était certain, que j'allai jouer un rôle dans une histoire qui me dépassait. Elle, et mes parents aussi, d'ailleurs ! Pourquoi est-ce qu'ils ne m'avaient rien dit ? Ils n'étaient pas vraiment humains, eux non plus, ils auraient pu m'avouer, m'apprendre tout ce qu'il y avait à savoir, et les choses auraient pu se passer autrement ! Si ça se trouve, ils ne seraient même pas morts !  Et quand bien même ils gardaient le silence avec moi, comme ce qu'il s'était passé, elle, ma grand-mère, elle aurait pu les sauver. Et je ne parle même pas que de mes parents. Ceux de Morgad et Terrence aussi sont morts ! Elle n'en est pas la responsable, elle n'est pas la meurtrière, je le savais, mais je savais aussi qu'elle aurait pu l'éviter. On me l'avait décrite comme la dernière représentante des elfes d'or, et rien que cela avait laissé transparaître l'importance qu'elle avait. J'ignorais si elle possédait des pouvoirs, mais elle devait bien avoir une influence suffisante dans ces mondes qui lui aurait permis de faire quelque chose ! Mais non, visiblement, elle n'avait rien fait, rien tenté, et elle se présentait devant moi, toute souriante alors qu'elle a perdu son fils, et moi mes parents ! Pour ça, et pour le fait qu'elle ne revenait me voir que dans une situation pareille, où elle me parlait comme si elle me connaissait depuis des années, je la haïssais.

Elle avait probablement remarqué mon hésitation et ma perplexité puisqu'elle qu'elle s'avança vers moi, doucement, comme pour ne pas m'effrayer, jusqu'à être assez proche pour m'enlacer tendrement. Je ne réagis pas.

- J'avais tellement hâte de te revoir, me murmura-t-elle. Tu m'as énormément manquée.

- Qu'est-ce que ça fait de laisser des membres de sa famille mourir alors qu'on sait qu'on pouvait l'empêcher ? ai-je lâché de but en blanc sous la pression de mon mal-être.

Elle resta interdite et se détacha de moi en me fixant. L'ambiance dans la pièce était tendue, toutes les personnes autours de nous devaient être en train de nous regarder et de nous écouter. Qu'ils le fassent ou non, je n'en avais rien à faire. La seule personne avec qui je devais parler était devant moi.

- Tu ressens de la culpabilité ? ai-je continué. Moi oui. Depuis qu'ils ne sont plus là, je m'en veux d'être arrivée trop tard, quand il ne restait plus rien d'eux. J'essaye de passer à autre chose, de ne plus y penser, de me concentrer sur ce qu'on me dit de faire, que je dois me battre pour des choses dont je ne sais rien. J'essaye, vraiment, mais là, te voir, maintenant, me parler et te comporter comme si on se connaissait, comme si on était une famille, alors que la mienne, la notre et les leurs sont mortes, et que je sais que tu aurais pu l'éviter... Je n'ai même pas les mots pour te dire à quel point je te déteste. On m'a dit que tu es une elfe d'or, et rien qu'avec ça, avec le ton qu'on employait pour parler de toi, j'avais l'impression que tu étais quelqu'un d'important, de puissant, mais pas quelqu'un d'aussi insensible ! On se rencontre juste, et j'ai l'impression que tu veux me faire croire qu'on se connait depuis des siècles ! Mais est-ce qu'on se serait même croisées si il n'y avait rien eu de toute cette histoire, si il n'y avait pas cette guerre qui approche ?!

Je marquai une pause, reprenant mon souffle en la fixant avec toute la colère que je pouvais montrer, au risque de laisser à Feu le contrôle. Je sentais déjà une chaleur ardente me parcourir les doigts, comme si elle n'attendait qu'un petit rien en plus pour se montrer.

Laïra, la fille du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant