Chapitre 35

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Je me voyais, assise sur un animal qui m'était inconnu et qui ne ressemblait pas à ceux que je connaissais. Nous étions dans une forêt, en train de suivre une autre de ces créatures, montée par une femme, je crois. Il faisait nuit et je n'entendais aucun bruit autour de nous. J'avais comme l'impression d'être détachée de mon corps, de ne pas le contrôler. Je n'avais ni la notion du temps, ni celle de l'espace, et encore moins de souvenirs de pourquoi j'étais là, ni de qui était la personne devant moi.

Plusieurs minutes passèrent - à moins que ce n'était des heures -, jusqu'à ce que ce fasse entendre un violent martèlement dans le sol, comme si des choses assez lourdes et nombreuses se rapprochaient. Ça n'a pas loupé : des êtres à la peau bleue surgirent tout autour de nous en peu de temps, et, même dans mon état de semi-conscience, je n'avais aucun doute qu'il s'agissait de Jotuns.

Tout est allé très vite suite à leur arrivée. Les bêtes ont essayées de s'enfuir, prises de panique, et je me retrouvai au sol quand la mienne se mit debout sur ses deux pattes de derrière avant de se faire ouvrir le cou par un géant. Il en fut de même pour l'animal de la femme, mais, contrairement à moi, elle semblait être en mesure de se battre. Mon esprit, alors incapable de discerner clairement ce qu'il se passait autour de moi, semblait déteindre sur mon corps, et je le sentis s'effondrer quand un violent coup me fracassa l'arrière du crâne.

Une brume noire vint emplir ma vue et, grâce à une demi-conscience restée éveillée, je compris que tout cela n'avait été qu'un rêve. Un rêve qui ne respirait pas la joie, mais un rêve quand même. Quoique, j'avais quand même la nette sensation que ce n'était pas que ça...

Mon esprit allait se remettre en veille, quand, soudain, un grand bruit non identifiable me perça violemment les tympans, et, avant que je ne puisse faire quoique ce soit, je sentis mon corps se faire éjecter de l'endroit confortable où il était allongé pour se heurter contre quelque chose de dur et froid. Cela me réveilla, bien évidement, et je me relevai presque aussitôt, voulant savoir qui avait eu la mauvaise idée de m'éjecter aussi violement de mon lit. Quitte à vouloir me réveiller, je suis sûre qu'il existait un autre moyen moins brutal.

Étant debout, je me retrouvais alors face à ma grand mère, dont l'expression faciale trahissait un évident air agacé et impatient. Avant que je ne puisse dire quoique ce soit pour protester contre son mode de réveil, un violent mal de crâne me prit, me faisant instinctivement poser ma main sur mon front.

- Au vu de ta gueule de bois, je vais être magnanime. Tu as trente secondes pour prendre tes armes, ton sac et me suivre.

- Et bonjour, sinon ? lui répondis-je en commençant à m'énerver malgré les restes de la soirée d'hier qui faisaient vibrer ma tête.

- Je ne vois pas l'utilité de te donner de faux espoirs, puisque tu ne vas pas passer une bonne journée avec moi. Lâcha-t-elle sur le même ton. Et maintenant, je te conseille de te hâter, il te reste quinze secondes.

Je marmonnais à voix basse quelques mots qui ne pouvaient pas vraiment rentrés dans la catégorie "politesse".

Dans le même temps, ma tête continuait d'être sonnée par quelque chose d'invisible, sans aucun doute dû à l'hydromel encore présent dans mon organisme, mais ce n'était pas ça qui me préoccupait et qui me forçait à ne pas en tenir compte. Ce rêve que je venais de faire avait quelque chose de réel, et, bien qu'il avait été court et très flou, il m'en rappelait d'autres, que j'avais fait lors de mon "séjour" sur Jotunheim. Des rêves que je qualifierais de visions, d'ailleurs. Sauf qu'aucune de celles que j'avais faite ne s'était encore réalisée à ce jour, et je ne pouvais donc que faire des hypothèses sur ce que c'était réellement.

Je ne pus pas prendre plus de temps pour méditer là-dessus, ma grand-mère ne semblant absolument pas disposée à accepter un quelconque retard de ma part. J'avais également la très nette sensation qu'elle n'hésiterait pas à me traîner dehors de force, puisqu'il était évident qu'elle avait l'avantage physique sur moi. Je pris donc en vitesse ma dague, mon sac et mon épée ainsi que mon bouclier que j'avais laissé là en arrivant hier, et me dépêchais de rejoindre ma grand-mère, qui commençait déjà à partir.

Laïra, la fille du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant