Chapitre 4

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Mordred se pencha de coté du haut de Fata pour cracher ses pépins de pommes sur le sentier. En fait, ce n'était pas tout à fait un sentier. Quelque chose d'aussi envahi par les ronces, les broussailles et les mauvaises herbes ne pouvait guère mériter ce nom. Mordred était cependant loin de s'en plaindre.

Galahad et lui aimaient la forêt. Depuis tout petits, ils avaient pris l'habitude de laisser le château bondé et les marmots braillards de leur âge pour les bois de Camelot ou les bords de rivière délaissés. Galahad y aimait le calme, quand plus personne n'était derrière lui pour lui apprendre à devenir le parfait chevalier qu'il était déjà naturellement. Mordred, lui, avait grandi dans la forêt, jusqu'à ce que sa mère l'envoie à Camelot.

Déjà, tout jeune, les dames de Brocéliande lui avaient enseigné le respect des esprits de la nature et de la magie. Lorsqu'il était arrivé à Camelot, Mordred avait d'abord éte un peu réticent à l'idée de partager les seuls instants lui rappelant sa vie à Brocéliande avec un fils de Lancelot sorti de nulle part, mais Galahad avait étonnamment bien réagi au paganisme de son ami.

-Fort bien, fit le chevalier noir, raconte moi un peu où on nous a envoyé.

Mordred prenait rarement le temps de préparer les missions à l'avance. Il partait toujours avec Galahad, qui se renseignait pour deux. Et Mordred avait toujours préféré recevoir les informations de sa bouche.

Galahad essuya maladroitement le jus de pomme qui lui coulait sur le menton pour se tourner vers son ami chevauchant légèrement derrière lui.

-La lettre venait d'une petite ville plus haut en aval sur la rivière, dit-il. A vrai dire, toute la région a l'air d'être touchée : on a entendu parler de cas similaires dans plusieurs lieux environnants.

Mordred porta Fata à la hauteur de Galahad pour lui adresser un regard interrogateur.

-Être touchée par quoi ? demanda-t-il.

Galahad essuya ses mains sur sa tunique brune avant de sortir la lettre de mission de sa sacoche. Dans la précipitation de leur départ, Galahad n'avait même pas eu le temps d'enfiler une armure. Il portait son habituelle tunique de cuir et de laine à haut col le protégeant du vent et sa maigre cape de voyage. Le garçon n'avait de toute façon pas encore d'armure personnelle, portant celles de Camelot lorsqu'il le fallait, mais n'arrivant pas à prendre la décision d'aller en faire fabriquer une qui serait le dernier coup de pinceau à son portrait du chevalier le plus prometteur de Camelot. Galahad n'avait jamais aimé porter d'armure. Elles lui rappelaient trop les champs de batailles contre les saxons qu'il avait connus. Galahad aimait l'aventure, certes, mais pas les massacres de la guerre.

-Ils parlent d'un bête surnaturelle, dit il en parcourant la lettre du regard. Les descriptions ne sont pas très approfondies. Ils parlent d'un diable, ou d'un dragon. En tous cas ça a l'air d'avoir des écailles.

Mordred émit un petit sifflement admiratif, sa vie passée dans les sildes l'empêchant d'être plus impressionné que cela.

-Un dragon ? Entier ? fit-il. Arthur doit vraiment te faire confiance ...

Galahad esquissa un sourire à cette pensée, mais se tourna vite vers Mordred pour le rassurer.

-Mais tu es aussi apte que moi, assura-t-il, je ne vois pas pourquoi Arthur ne t'a pas directement confié cette mission.

Mordred soupira en songeant à son père. Il rejeta la tête vers la cime des arbres pour observer le ciel par delà les branchages.

-Je ne sais pas à quoi joue Arthur exactement, dit-il. Parfois, il ne veut pas me voir et m'envoie le plus loin possible de Camelot comme si ça allait me faire disparaître. Et le reste du temps, il  refuse de me voir partir pour mieux pouvoir me surveiller.

La ballade de   CamelotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant