Chapitre 3

254 27 193
                                    

Le soleil pénétrait dans la chambre par la petite fenêtre de pierre et venait s'arrêter aux pieds d'un des corps endormis dans les fauteuils. Ses chausses avaient été abandonnées  près de l'âtre aux cendres maintenant froides. Mordred les avait laissées là pour réchauffer ses pieds près des flammes mais il avait fini par s'endormir sans même regagner sa chambre. Dans l'autre siège ronflait doucement Galahad, son exemplaire d' Ovide reposant ouvert sur ses genoux et menaçant à chaque instant de tomber au sol.

Les accords tempétueux des trompettes qui venaient de la cour vinrent briser le silence de cette paisible atmosphère, réveillant en sursaut les deux chevaliers. il fallut un court instant à Galahad pour se rappeler où il était. Ses rêves d'un monde de lumière pure lui faisaient parfois perdre la notion de l'espace. La vision d'un Mordred vaguement hébété qui regardait autour de lui comme si le jour du jugement dernier était arrivé le ramena bien vite sur terre.

-La mission ! s'exclama Galahad en se précipitant à la fenêtre. Nous devons être plus qu'en retard !

Le jeune chevalier parcourut la cour du château d'un regard inquiet. Une petite troupe de chevaliers étaient réunis pour saluer leurs camarades partants, ainsi que quelques dames auxquelles ils avaient promis leurs services. Les écuyers et les garçons d'écurie tenaient par leurs mors les chevaux chargés de sacs attachés à leurs selles. Les trompettes semblaient avoir sonné pour les seigneurs Bors et Yvain. S'ils couraient assez vite, ils ne feraient attendre personne.

-Tu as fait préparer tes affaires ? lança Galahad en saisissant sa pèlerine de voyage.

Mordred bailla en laçant ses chausses d'un air encore endormi.

-Mais oui, mais oui ... assura-t-il lentement.

Galahad attacha son épée sur son épaule.

-Alors dépêche-toi, par pitié ! supplia Galahad. Et passe par les cuisines, c'est plus rapide !

Mordred empoigna lui aussi son épée et Galahad attrapa au passage la lettre de mission au moment où ils sortaient. Les deux jeunes gens claquèrent la porte derrière eux et dévalèrent les escaliers avant de traverser les couloirs au pas de course, l'armure de Mordred faisant à son passage un vacarme de tous les diables.

-Pardon, excusez-moi, toutes mes excuses ! bafouilla Galahad alors que les deux chevaliers se frayaient un chemin dans les cuisines. Oh, bonjour Payne. Désolé de vous déranger.

Galahad adressa quelques signes de la main aux domestiques qui l'avaient vu grandir depuis son arrivée à Camelot.

-Bonne chance messires ! lança Nolwenn en levant son couteau depuis sa table de découpe du poisson.

Galahad sentit un grand sourire étirer ses lèvres.

-Merci Nolwenn ! répondit-il d'un air rayonnant.

-Et vous, messire Mordred, remettez ce morceau de brioche là où il était ! ajouta la cuisinière.

Mordred ronchonna et obéit avant qu'ils ne sortent en hâte des cuisines, surgissant dans la cour en faisant fuir des poules qui trainaient autour de la porte. Au plus grand soulagement de Galahad, ils rejoignirent finalement l'assemblée des chevaliers.

-Vous êtes en retard, ricana Tristan en resserrant les sangles de son cheval.

Mordred le foudroya d'un regard glaçant.

-Dans ce cas, c'est que nos journées sont plus intéressantes que les vôtres, messire, grinça-t-il.

Galahad esquissa un sourire alors qu'il récupérait les rênes de son cheval bai des mains d'un garçon d'écurie à la morve au nez. Il serait absolument incapable d'en faire autant, mais il aimait entendre les répliques acerbes de Mordred. Tristan sembla nettement moins apprécier.

La ballade de   CamelotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant