La ballade de Camelot

Chapitre 14

Petite-Vareuse repoussa la porte des cuisines de Hauss et jeta un coup d'œil à l'intérieur. Elles étaient bien moins vastes que celles de Camelot et deux fois plus froides, mais elles avaient le considérable avantage d'être vides à cette heure de la nuit. Après la soirée qu'elle avait passé à interroger un brownie mal-aimable avec messire Mordred, elle doutait de pouvoir trouver le sommeil cette nuit, et dans ce cas, quel mal cela pourrait bien faire si elle avait quelque chose à grignoter avec elle?

La jeune fille se faufila sur la pierre froide et commença à farfouiller dans les placards avec entrain. Une pomme alla rejoindre le fond de son sac en toile, rapidement suivit d'une poignée de noisettes, et elle allait sortir son petit couteau pour se trancher un morceau de pain quand un raclement de gorge se fit entendre derrière elle.

-Quelqu'un a une fringale nocturne à ce que je vois?

Petite-Vareuse fit volte-face et voulu brandir son couteau mais celui ci était toujours enfoncé dans la miche de pain, et il renversa au passage un bon paquet d'herbes de cuisines.

-Mais qu'est ce que...

Dans le pâle halo de la chandelle qu'il avait à la main, Petite-Vareuse reconnu les cheveux blonds et les yeux cernés de Dognwlad. Celui ci eut une mouvement de recul, un peu refroidit dans son bel héroïsme par la lame qu'on lui pointait dessus. Mais lui aussi sembla reconnaitre la jeune fille malgré la faible lumière. Il fallait dire que sa capuche rouge était difficile à rater.

-Oh, c'est vous! soupira-t-il avec un visible soulagement. Je croyais qu'on avait laissé entrer un voleur. Maitre Gorvan ne me l'aurait jamais pardonné!

Il se tue un instant avant de reprendre d'un ton hautain qu'il avait plus que visiblement emprunté à son supérieur.

-Est-ce que tu voudrais bien ranger ceci?

Petite-Vareuse se souvint soudain de l'arme qu'elle pointait vers le secrétaire et avec une petite moue gênée, s'agenouilla pour ramasser la miche de pain et terminer de découper sa tranche. Gauchement, Dognwald laissa sa chandelle sur une des tables et entreprit de nettoyer les sachets répandus au sol. La jeune fille fit mine de ne rien remarquer lorsqu'il trébucha sur ses chaussures et les laissa retomber une deuxième fois.

-Sir Mordred vous a envoyé chercher de quoi manger? supposa Dognwald.

Petite-Vareuse se contenta d'un léger haussement d'épaules qui pouvait entendre tout et son contraire, car il était bien trop tard pour qu'elle se force à faire la conversation. Ses affaires glissèrent de nouveau des mains du jeune homme et il laissa échapper un juron. Un instant, Petite-Vareuse songea que ce n'était pas plus mal que les nobliards dans son genre n'aient jamais mit les pieds dans un champs. Benêt comme il était, ça aurait put lui couter la vie. Cherchant vainement à ne pas perdre la face, il se dirigea vers les quelques bouteilles entassées dans un coin des cuisines.

-Peut-être que ces seigneurs aimeraient boire quelque chose? ft-il. Je vais vous mettre un peu de vin, ça risque d'être une nuit froide...

Petite-Vareuse ne prêtant pas grande attention à ce qu'il blablatait, sursauta lorsqu'il tira sur la poche de son sac.

-Oh, désolé, bafouilla-t-il maladroitement, une petite bouteille trapue à mi-chemin de sa besace.

-J'peux faire ça moi même, vous embêtez pas, fit Petite-Vareuse en la lui prenant des mains. Enfin, si c'est pour vous faire mousser à cause du problème de la porte, je crois pas que messire Galahad vous en veuille. Et puis, messire Mordred, il s'en fiche.

 Dognwald sembla un instant songeur, comme s'il cherchait qu'elle bonne réponse on pouvait donner à ce genre de remarque. Mais alors que la jeune fille glissait la bouteille dont elle ne savait pas trop ce qu'elle ferait dans son sac, il lui saisit brusquement le poignet pour plonger son bras dans la toile et en arracher le manuscrit qu'elle avait rangé tout au fond. Petite-Vareuse protesta à grand cris, mais Dognwald l'ignora pour examiner de plus près l'ouvrage.