La ballade de Camelot

Chapitre 18

En grandissant avec Mordred, Galahad avait pris l'habitude de le voir faire des choses étranges. L'enfance qu'il avait passé dans les sildes lui avait parfois fait gagner de drôles d'habitudes, comme quand il empilait des galets les uns sur les autres en cercle, ou qu'il allait sauter par dessus les feux de camps. En général, Galahad n'en disait rien : c'était toujours quelque chose qui avait trait à la magie.

Mais cette fois ci, il avait un peu de mal à comprendre de quoi il s'agissait. Penché au bord de son lit, le jeune homme s'échinait à déchirer en petites bandes un des draps pour mieux les enrouler autour du pommeau de son épée. Non, pas son épée, réalisa Galahad en remarquant celle ci aux pieds de son camarade. Cette lame là était nouvelle.

-Mordred ? appela-t-il.

Celui ci redressa vivement la tête comme s'il ne l'avait pas remarqué avant et tenta rapidement de dissimuler son travail dans son dos. Il avait un drôle d'air, pâle et émacié comme un malade, et ses yeux semblaient particulièrement rougis.

-Quelque chose ne va pas? demanda-t-il d'un ton inquiet en s'asseyant à ses cotés.

Mordred n'était pas du genre à vouloir lui cacher quoi que ce soit. Pourtant, il bafouilla d'une voix rauque quelque chose comme :

-Rien du tout. J'ai passé une mauvaise nuit, rien de plus.

Galahad ne répondit rien à ça. Il se contenta d'observer patiemment l'épée que son ami tenait derrière lui jusqu'à ce que celui ci comprenne qu'il l'avait bel et bien remarquée.

-Et ça ? demanda-t-il finalement avant d'ajouter d'une voix douce : Ça à l'air important.

La mâchoire de Mordred se contracta. Il y avait définitivement quelque chose qui ne tournait pas rond, décida Galahad. Il connaissait d'ailleurs déjà ce regard, depuis longtemps, mais jamais il ne l'avait vu atteindre une telle intensité. Très lentement, il glissa sa main dans la sienne, entremêlant leurs doigts comme lors d'une nuit étoilé à Kerr-Glain.

-Est ce que c'est quelque chose que je peux entendre où est ce que c'est quelque chose qui fait partie des règles?

Mordred ouvrit a bouche pour répondre avant de sembler se raviser, comme s'il n'était plus certain de ce qu'il voulait dire. Puis, finalement, il souffla comme un aveu :

-Morgane est venue, cette nuit.

Galahad s'efforça de lui adresser un sourire des plus neutre possible. A présent, il ne pouvait plus agir auprès de Mordred comme si les visites de sa mère le laissait indifférent. Il savait très bien ce qu'il pensait d'elle après leur dernière dispute, il était devenu difficile de le cacher.

-Quelque chose est arrivé... en Fearie ? demanda-t-il, sachant combien Mordred pouvait être sensible au sort du peuple de l'autre monde.

Ce n'était apparemment pas le cas, son ami secoua négativement la tête, mais tira l'épée inconnue des couvertures pour la déposer sur les genoux de Galahad. Il y avait une certaine forme de réticence dans son geste, comme s'il regrettait de s'en séparer.

-Elle m'a apporté ça, dit-il avec des accents de crainte dans la voix.

Galahad, curieux, retira les morceaux de draps qui l'entourait. Soudain, les gravures qui décoraient la garde accrochèrent son regard et il manqua presque de laisser tomber la lame au sol.

-Mordred ! C'est l'épée ! s'exclama-t-il en adressant à son ami un regard horrifié. Ça ne peut pas être la vraie !

Il aurait voulu qu'il lui donne raison, qu'il lui assure qu'il se trompait, mais il n'en fit rien.