Chapitre: 5

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-Je peux vous poser une question messire Mordred ?

Mordred frictionna légèrement son bras pour le réchauffer avant de pousser un léger soupir. Il ne comptait déjà plus les fois où Petite-Vareuse lui avait dit la même chose depuis le début de leur voyage. Le chevalier savait au moment même où il le lui avait proposé qu'il regretterait de l'avoir emmenée. Mais en deux jours seulement Petite-Vareuse battait des records.

-Seulement si je t'en pose une en premier, déclara-t-il, le regard toujours tourné vers les longs champs enneigés devant eux.

Petite-Vareuse, à sa droite, se fendit d'un large sourire. Elle devait être ravie de voir rien de moins qu'un chevalier demander quelques conseils à sa sagesse.

-Je vous écoute, demanda-t-elle, impatiente.

-Pourquoi est-ce que c'est toujours à moi que tu poses des questions et jamais à Galahad ?

En entendant son nom, Galahad se tourna brusquement vers lui d'un air horrifié. "Ne la renvoie pas vers moi !" murmura-t-il précipitamment.

Petite-Vareuse haussa les épaules, l'air de s'ennuyer.

-Oh, messire Galahad,il nous a déjà tout raconté, fit-elle. Je n'ai plus rien à lui demander !

Sa réponse parut soulager Galahad, mais Mordred était d'un bien autre avis.

-Et moi, en revanche, j'ai d'autres choses à te dire ?

Il laissait parler sa prédisposition naturelle à râler mais, au fond, il comprenait un peu Petite-Vareuse. Il n'y avait devant eux rien d'autre que de la neige, de la neige et trois arbres morts qui se battaient en duel. La chose la plus intéressante qu'ils avaient vue depuis le matin avait été un renard qui avait pris la fuite en apercevant Obéron. Icarus avait tenté de se lancer à sa poursuite, mais Mordred l'avait aussitôt rappelé à l'ordre. Le chien était à peu près la seule personne qui ne s'ennuyait pas à mourir. Il bondissait joyeusement dans la neige, lâchant parfois un petit aboiement pour attirer l'attention de son maître. Mordred n'aurait rien eu contre une petite discussion pour passer le temps mais celles de Petite-Vareuse étaient souvent à sens unique.

-Oui, vous avez encore des choses à me dire, décréta Petite-Vareuse.

-Pourquoi donc ?

-Parce que.

C'était là un argument indiscutable, et Petite-Vareuse semblait prête à défendre sa position bec et ongles. Mordred n'avait pas beaucoup envie d'en discuter et Galahad finit de toute façon par intervenir.

-Pose ta question Petite-Vareuse, moi aussi je suis curieux, maintenant.

Petite-Vareuse, une fois n'était pas coutume, sembla chercher un instant ses mots avant de déclarer.

-Messire Mordred, est-ce que je suis votre écuyère maintenant ?

Mordred ne s'était pas attendu à ce genre de question. Il croyait avoir déjà eu cette discussion avec Petite-Vareuse.

-Je t'ai dit que je ne prenais pas d'écuyer ! répliqua-t-il.

Galahad parut surpris. Lui n'avait pas été mis au courant des projets de la jeune fille.

-Tu veux devenir chevalier ? demanda-t-il en se tournant vers Petite-Vareuse.

La gamine devint presque aussi rouge que son capuchon. Jouant avec la fourrure d'Obéron sous ses doigts, elle murmura.

-Oui, je ... j'aimerais devenir comme vous ...

Elle leva les yeux vers le fils de Lancelot.

-Et en soi, c'est un peu grâce à vous, fit-elle.

La ballade de   CamelotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant