Chapitre 13

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Lorsque Galahad et Mordred se levèrent le lendemain matin ce fut pour découvrir une foule de villageois rassemblés devant les écuries pour assister à leur départ et les couvrir de menus présents. La nouvelle de la présence de deux chevaliers s'était rapidement répandue après leur combat contre la vouivre, devenue moins un danger qu'une véritable source de haine. Les habitants n'étaient pas plus en détresse qu'au premier jour mais attendaient des jeunes gens une glorieuse aventure pour les distraire. Cette nouvelle attention n'était cependant pas pour plaire à Mordred. Être admiré par la cour d'un seigneur et par celle de Camelot était une chose, mais les gens du commun... Le chevalier se serait contenté d'avoir écho de leur reconnaissance de loin, sans avoir à traverser une foule de gueux couverts de crasse et avalant la moitié de leurs mots pour pouvoir atteindre son cheval.

Petite-Vareuse avait passé la nuit avec eux, après qu'ils se furent rendus compte que la bourse de Mordred contenait à peine de quoi la payer une fois cette affaire réglée, et sûrement pas assez pour une chambre supplémentaire. Galahad, tout empreint de sa galanterie habituelle, lui laissa son lit, s'obligeant par conséquent à coucher sur le sol. A la vue de son meilleur ami allongé pitoyablement à terre, Mordred lui avait offert sa couverture et avait passé la nuit uniquement couvert par sa cape. Il en était arrivé à la conclusion que la jeune fille leur était gravement nuisible.

Mais il fallait bien qu'elle récupère son ours et, après avoir zigzagué entre la foule, elle s'installa derrière Galahad avant de s'agripper à lui d'un air fort peu rassuré.

-Est-ce que c'est toujours comme ça ? demanda-t-elle lorsqu'ils quittèrent enfin l'enceinte de Kerr-Glain sous les vivats joyeux des habitants.

Mordred se retourna vers les silhouettes qui s'éloignaient déjà au loin.

-Oh oui, soupira-t-il en jetant un coup d'œil à  une femme qui avait demandé à Galahad de toucher la tête de son rejeton. Et encore, eux, ils ne se jettent pas à nos pieds en larmes comme si nous étions les envoyés du Seigneur !

Petite-Vareuse fronça les sourcils.

-Et bien quoi ? Vous venez là pour les aider non ? C'est un peu pareil pour eux !

Mordred lui adressa un sourire carnassier.

-Certains ont même pris Galahad pour l'ange saint Michel ! se moqua-t-il.

Le visage de Galahad se colora vivement de pourpre et il se tourna vers Mordred.

-Ce n'est arrivé qu'une fois ! protesta-t-il. Pourquoi te sens-tu toujours obligé de faire cette réflexion ?

Mordred haussa les épaules en riant comme si lui-même en ignorait la raison mais c'était faux. Ce jour-là, il avait réalisé pour la première fois qu'on pouvait confondre Galahad avec un être de perfection pur et immortel. Certes, on pouvait être parfois émerveillé par les armures flamboyantes des chevaliers, mais seul Galahad attirait cette comparaison avec un ange. Depuis que c'était arrivé, Mordred y pensait parfois, une fois passées les visites de sa mère. Galahad était comme un ange : plus éloigné encore de lui que ne l'étaient les elfes et les esprits. C'était un empereur qu'on divinisait déjà de son vivant, ne pouvant attendre son trépas tant il était extraordinaire. Mordred n'aurait jamais dû l'atteindre, vivant dans l'ombre et la bassesse comme il le faisait. Et pourtant il était l'être le plus proche de Galahad sur cette terre. Cette erreur de leur destinée suffisait pour lui mettre le sourire aux lèvres.

-Vous savez que je n'ai jamais vu de chevaliers, avant vous ? dit Petite-Vareuse.

-Fascinant... railla Mordred.

Malheureusement, la petite ne semblait pas beaucoup l'écouter, elle s'adressait à Galahad.

-Et sommes- nous à la hauteur de ce que tu attendais ? demanda-t-il.

La ballade de   CamelotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant