-Je déteste ces bonnes sœurs ridicules, pesta Mordred en regardant la cour à travers le verre teinté de la fenêtre, Icare couché sur ses pieds.
Le jour déclinait lentement sur Camelot, et Galahad et lui ne s'étaient pas revus depuis le matin. Les sœurs de Douan tournaient sans cesse autour de lui comme une nuée de mouches, excluant Mordred de toutes leurs conversations. Il les soupçonnait beaucoup de vouloir faire un tri dans l'entourage de leur petit protégé, et cette idée ne lui plaisait pas du tout.
-Vous ne devriez pas dire ce genre de chose, Mordred, le réprimanda Guenièvre d'un air amusé. On pourrait vous accuser de blasphème.
Mordred émit une petite exclamation amusée. Si les prêtres de Camelot avaient eu le courage de l'accuser de blasphème, ils auraient eu mille fois l'occasion de le faire, pour mille raisons différentes. Mordred n'avait jamais crut en ce qu'ils racontaient et ne s'en était jamais caché.
-Vous allez me dénoncer, votre majesté ? demanda-t-il en se tournant vers son interlocutrice.
La reine l'avait trouvé déambulant seul dans les couloirs, privé de son inséparable compagnon, et l'avait décidé de l'amener dans ses appartements pour qu'il lui fasse un peu la conversation. Mordred avait cédé, et s'était accoudé près de la fenêtre tandis que Guenièvre travaillait sur son rouet. C'était ennuyeux à mourir. Le jeune chevalier préférait de loin lorsque Guenièvre s'asseyait à sa harpe de chêne dans un coin de sa chambre, pour jouer d'anciennes ballades de Carmelide, chargées de la majesté des anciens temps.
Mordred la trouvait parfaite pour ces hymnes. Les belles robes de soie et les bijoux venus de Rome ne changeaient rien à sa nature. Guenièvre était une princesse des anciens temps, une guerrière aux cheveux de feu, une cavalière qui avait combattu plus d'une fois pour protéger Logres. Jamais il ne comprendrait comment le destin l'avait amené à une vie de dame de cour aussi fade, ne s'occupant que de broderies et d'affaires d'intérieur. Lorsque Mordred lui en avait fait part, Guenièvre lui avait ri au nez et lui avait assuré que reine de Bretagne était un rôle bien plus musclé qu'il n'y paraissait.
-Vous dénoncer ? Mon pauvre Mordred, j'ai autre chose à faire de mon temps ! Et vous aussi d'ailleurs. Qu'ont bien pu vous faire les sœurs de Douan, pour vous aigrir ainsi ? fit-elle en faisant jouer sa navette.
Mordred tenta de paraître impassible pour ne pas éveiller de soupçons mais l'envie de pouvoir enrager à voix haute fut plus forte.
-Elles ne sont pas venues visiter Galahad, elles l'ont pris en otage ! s'exclama-t-il. Il a passé tout son temps avec elles aujourd'hui, et elles ne l'ont pas quitté de tout le dîner ! J'ai dû m'installer aux côtés d'Yvain. Savez-vous à quoi ressemble la conversation d'Yvain ?
Guenièvre arqua un sourcil curieux sans quitter des yeux son ouvrage.
-Aucune idée, dut-elle reconnaître.
-Il n'en a aucune ! explosa Mordred. Il était plus intéressé par mon chien que par moi !
Guenièvre dessina un petit sourire sur ses lèvres.
-C'est un garçon très sensible aux animaux.
Mordred poussa un gros soupir en appuyant son front contre son poignet. Peut-être que leur dispute du matin n'avait pas donner beaucoup envie à Yvain de lui parler. En tout cas, jamais la voix de Galahad, son rire et ses formidables réflexions sur la poésie latine ne lui avaient autant manqués.
Comme si elle avait lu dans ses pensées, Guenièvre demanda d'un ton égal :
-Vous semblez toujours beaucoup attaché à sir Galahad, n'est-ce pas ?
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La ballade de Camelot
FantasyLa coure de Camelot est a l'apogée de son règne, abritant en son sein les chevaliers les plus glorieux qu'on n'ai jamais connu. Mais certains sont également de drôle d'individus. Parmi eux se trouve Mordred, l'enfant damné, fils de la vengeance et d...