Chapitre 1

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Le soleil du petit matin hivernal se levait doucement sur le château de Camelot, comme lui aussi engourdi par le froid. Les rayons passèrent, paisibles, entre les flocons de neige, pour illuminer le chemin des garçons d'écurie rafraichissant les auges des chevaux, des cuisinières s'affairant pour préparer les petits déjeuners et des quelques chevaliers qui se rendaient à l'entraînement de bon matin.

Allongé dans son lit recouvert d'une dose supplémentaire de fourrures, Galahad de Cobernic appuya sa joue sur celle de Mordred, étendu à ses côtés. Son compagnon, éveillé depuis peu, bailla un grand coup et passa un bras en travers de ses épaules pour l'attirer un peu plus à lui.

-Bonjour Gallie, sourit-il à son intention.

Galahad lui rendit son bonjour sans quitter la fenêtre du regard, mais ses lèvres s'étirèrent en entendant la voix de son compagnon. Une couche de neige recouvrait le rebord de la fenêtres, et les flocons continuaient de tomber dans une valse hypnotique.

-Mordred ? demanda-t-il. Chez toi, qui fait tomber la neige ?

Son père lui aurait probablement répondu " Dieu ", mais les réponses de Mordred l'avaient toujours plus intéressé. Son camarade était un fidèle de l'ancienne religion, élevé en Brocéliande par les dames d'Avalon, et chaque chose qu'il racontait plongeait Galahad dans un monde de rêve et de merveilleux. Le jeune homme aux boucles noires se renfonça dans l'oreiller, une main sous la tête.

-Comment expliquer ça ... commença-t-il. La neige ... n'a pas besoin que quelqu'un la fasse tomber. C'est un présent que la terre nous offre parce qu'elle vit main dans la main avec nous. Chez nous, la nature entière est une divinité, et elle change dans un cycle infinis depuis des millions d'années. L'hiver, elle se meurt et tout l'univers autour d'elle se prépare à sa résurrection. Dans les sildes de basse Bretagne, certaines petites fées veillent à ce que tout se déroule comme prévu. Chaque chose à sa fée. Les arbres, les montagnes, les ruisseaux...

Galahad hocha la tête. Il comprenait toujours les explications hésitantes de Mordred, même lorsqu'il tentait de les formuler au petit matin, alors qu'il venait de se réveiller.

-Je pourrais regarder la neige tomber pendant des heures, assura-t-il en se redressant pour déposer un baiser sur la joue du chevalier noir.

Il songea à rester ainsi toute la journée, blotti contre Mordred et les fourrures, à regarder le spectacle de l'hiver.

-Pas moi ! déclara aussitôt Mordred. Si  Perceval apprend que j'arrive en retard à l'entrainement encore une fois, je ne donne par cher de ma peau !

Quelque chose s'éveilla dans l'esprit brumeux de Galahad avant de se rappeler au bon souvenir du chevalier avec la vivacité d'un coup de poignard. Le jeune homme se redressa sur les coudes, s'arrachant aux bras de Mordred pour le regarder d'un air horrifié.

-Rappelle-moi quel jour nous sommes ? fit-il, connaissant très bien la réponse à l'avance.

Mordred y songea à son tour avant de blêmir brusquement.C'était mardi, jour où l'entrainement avait lieu le matin, ce qui signifiait qu'ils étaient déjà attendus par leurs camarades de la table ronde.

-Jarnidieu ! pesta vivement Mordred en repoussant vivement les couvertures. Il va me tuer!

Il ramassa au sol son pantalon avant d'entreprendre de se rhabiller au plus vite, l'air affolé. Il était bien entendu évident que personne à Camelot ne devait rien savoir de l'amour que partageait les deux jeunes gens. Les relations comme celle de Lancelot et Guenièvre alimentaient les ragots de la cour,mais celle comme la leur alimenterait les bûchers. Depuis leur retour de Kerr-Glain, quelques mois plus tôt, Mordred et Galahad avaient passé leur temps à se cacher, échangeant leurs rares baisers dans des couloirs ou des débarras déserts. S'ils arrivaient en retard tous les deux, par le plus grand des hasard, en sortant, malencontreusement, de la chambre de Galahad en même temps, certains soupçons pourraient compliquer un peu les choses.

La ballade de   CamelotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant