Chapitre 17

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Les artistes de foires arrivés à Kerr-Glain dans le même temps que Mordred et Galahad avaient décidé d'allonger un peu plus leur passage dans le bourg, car l'annonce de leur victoire sur la Bête avait répandu un climat de fête dans toutes les rues. Les deux chevaliers furent donc escortés jusqu'à la porte sud du village non seulement par des vivats, mais également par une troupe de théâtre portant encore ses masques d' Ysengrin et de Renard, une équilibriste et son jeune apprenti, un cracheur de feu et un ménestrel qui profitait déjà de l'occasion pour réfléchir à son futur « Chant de la Beste »

Mordred était ravi, et cela pour trois raisons. La première, évidement, était toute l'admiration que lui prêtait la foule autour de lui. Alors qu'ils traversaient les rues, la mue de la vouivre étendue entre leur deux chevaux, les acclamations étaient un avant goût de la joie qu'il aurait quand il pourrait fanfaronné devant le seigneur Keu. Ensuite, une charmante jeune boulangère avait absolument tenu à lui remettre en mains propres une tourte encore chaude qui lui avait suffit pour gagner à jamais sa sympathie. Et enfin, il pourrait passer tout le voyage du retour seul avec son Galahad, sans devoir subir les bavardages incessants de Petite-Vareuse.

A leur retour, la sale gamine avait empoché son argent sans un merci et avait détallé dans une ruelle en criant qu'elle avait des dettes à payer, suivie de son ours fraîchement retrouvé qui paraissait aussi morne que d'habitude.

-Et bien voilà une quête réussie en tout point ! déclara Mordred alors qu'ils s'éloignaient de Kerr-Glain pour retrouver l'atmosphère douce et odorante de la forêt. J'ai hâte de voir si les autres en ont fait autant !

Galahad joua un peu avec la bride de sa monture, l'air songeur.

-Nous serons sûrement les premiers à rentrer. Les terres de Rioen sont loin. Lancelot et Lionel ne seront probablement pas de retour avant un certain temps...

Mordred trouvait la perspective d'une durée de temps indéfini sans la présence de cet imbécile de Lancelot formidable, mais alors qu'ils s'enfonçaient dans la forêt, il ne put que remarquer un drôle d'air sur la figure de son ami. Le garçon semblait étrangement déçu, comme si leur victoire ne le réjouissait guère.

Rapprochant Fata de l'autre chevalier, Mordred demanda doucement en effleurant le bras de l'autre jeune homme du bout des doigts :

-Gallie, quelque chose ne va pas ?

Alors que les éclats de voix de Kerr-Glain s'estompaient derrière eux, Galahad pinça légèrement les lèvres et répondit :

-C'est que...je regrette tout de même de ne pas avoir pu faire nos adieux à Petite-Vareuse. C'était une jeune fille ... surprenante.

Mordred ricana. Il n'avait pas autant de remords au sujet de cette gamine en rouge. Elle était retournée à sa vie de tous les jours, et ils retournaient à la leur, comme cela se devait de l'être.

-Ne t'en fais donc pas et profite du silence, répondit-il simplement.

Cela étira bien un petit sourire sur les lèvres de Galahad, mais il reprit bien vite.

-Ne me dis pas que tu ne la trouvais pas un tout petit peu attachante ?

-Pas le moins du monde ! s'exclama Mordred sans un instant d'hésitation.

Cette fois, ce fut à Galahad de ricaner, ce qui ne lui arrivait pas souvent. Lorsque Mordred lui adressa un regard interrogateur, il déclara :

-Alors il semblerait que je te connaisse mieux que toi même, Mordred.

Le chevalier noir haussa vivement les épaules, vexé. Galahad était peut être formidable, mais cette fois- ci, il se trompait !  Il écarta la conversation d'un geste badin de la main.

La ballade de   CamelotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant