XV. Je N'ai Jamais

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Passer une journée seule à errer comme une âme en peine dans une villa luxueuse : check. Voici un fait supplémentaire que je peux barrer à la liste des choses inutiles que j'ai faites dans ma vie. L'envie de rejoindre tout le monde dans le studio ne m'a pas lâchée une seule seconde, mais je n'y ai pas cédé sachant pertinemment que ça serait une mauvaise idée. Pour la première fois depuis le début de notre collaboration, Sami n'a fait aucun commentaire sur les paroles que je lui ai envoyées. Son silence est la pire des punitions. Pour arrêter de gamberger, j'ai repris ma place sur mon transat aux bords de la piscine et profite de ce cadre de rêve pour écrire de nouvelles paroles.

- T'écris tes poésies ?

Surprise par la voix de Lucas je referme brusquement mon carnet.

- Ouais, je...

- ...de la poésie ? Me coupe Dan en s'installant sur le transat à côté du mien.

- Ouais.

- On peut en lire une ? Demande-t-il.

- Dans tes rêves, je réponds en le toisant.

- Léo je t'adore, conclut Lucas en riant. T'es la seule personne qui traite ce mec comme il le mérite vraiment.

Alors qu'il s'éloigne je ne peux pas réprimer un petit sourire satisfait. Dan ronchonne comme un enfant et fixe ses pieds pour éviter de croiser mon regard. Stupéfaite par cette attitude qui ne lui ressemble pas je décide de le taquiner un peu.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? T'as pas l'habitude qu'une fille te dise non ? Ta vanité vient d'en prendre un coup ?

Je pose ces questions sur un ton enjoué car l'idée d'une joute verbale avec Dan me semble être amusante. En tout cas bien plus que je ne l'aurais pensé.

- Pour être honnête oui ! Comme tu t'en doutes les filles me disent jamais non, déclare-t-il avec outrecuidance. Mais le truc c'est que je sais la raison exacte pour laquelle tu ne veux pas que je te lise.

Son regard empli de malice et son sourire espiègle me dévoilent qu'il apprécie autant que moi notre petit duel.

- Je t'écoute alors ! C'est quoi la raison ?

- T'as juste peur que je te dise à quel point c'est pourri. On dirait bien que je suis pas le seul incapable d'encaisser la critique dans cette maison.

Sa répartie est si efficace que je dois lutter pour ne pas rire. Je découvre qu'il est capable de prendre du recul sur son comportement et qu'il n'est donc pas aussi hautain et prétentieux que ce qu'il m'avait laissé entrevoir de sa personne. Satisfait de sa réponse il retire sa casquette pour libérer ses cheveux blonds avant d'y passer une main. Une nouvelle décharge électrique parcourt mon ventre, mais cette fois elle est accompagnée de pensées impies que je ne maîtrise pas. Pourquoi est-ce que je lui trouve un charme fou ? Pourquoi est-ce que sa décoloration que je trouvais jusqu'alors ridicule lui va maintenant aussi bien ? Je dois me reprendre. Je ne suis pas une de ces filles qui bavent devant lui. J'admets qu'il a du charisme, mais ça s'arrête là. Alors que ses yeux ambrés replongent dans les miens, je les détourne immédiatement et attrape mon carnet pour me focaliser sur autre chose. Tout en sentant son regard sur moi je l'ouvre sur le texte intitulé Les faire couler. Ce morceau engagé qui avait plu à Hakim est l'un des mes plus travaillés et réussis. Déterminée à lui montrer que je n'ai pas peur de son jugement et que j'ai du talent, je lui tends mon carnet.

- Lis ça et on en reparle.

Mon ton est faussement assuré pour lui faire croire que j'ai confiance en moi. En réalité le stress me submerge et je dois me focaliser sur ma respiration pour cacher mes tremblements. Pour la première fois c'est un artiste de talent qui va juger mes textes. Son avis a une importance capitale. Lentement ses yeux parcourent la page, mais aucune micro-expression ne trahit ce qu'il pense.

A l'ombre de ma plumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant