LII. Le Manuscrit

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- Je t'assure que je peux me débrouiller toute seule, j'annonce en essayant de gravir la première marche des escaliers avec mes béquilles.

- Hors de question, répond Dan en me prenant dans ses bras.

Le sourire charmeur qu'il me lance réprime mon envie de protester. Son odeur vanillée et la chaleur de son torse sont bien trop agréables. D'instinct je me blottis contre lui tandis qu'il gravit les escaliers avec de plus en plus de difficulté. Quand il me dépose devant sa porte d'entrée il est à bout de souffle. À peine a-t-il ouvert que je me dirige dans sa chambre pour aller m'allonger sur son lit. Ma jambe plâtrée me fait souffrir. J'ai besoin de l'allonger pour la soulager.

- Fais comme chez toi surtout, déclare-t-il d'un ton rieur.

Je lui tire la langue tandis qu'il me rejoint avec un regard malicieux qui fait naître des papillons dans mon ventre. Il se glisse à mes côtés puis me prend dans ses bras pour me serrer contre lui. Tout comme moi il a besoin de sentir son corps contre le mien pour pouvoir pleinement profiter de ces retrouvailles. Je peux sentir son regard détaillant tous les traits de mon visage et ses doigts glisser lentement dans mes cheveux. Il n'y a nul part ailleurs où je voudrais alors être.

- T'étais partie où ?

Il pose cette question dans un murmure comme pour ne pas briser la magie de l'instant. Son étreinte s'intensifie et me dit à sa place la terrible angoisse dans laquelle mon départ l'avait plongé. Il n'imaginait probablement pas qu'il pourrait à nouveau me tenir dans ses bras. Je secoue nerveusement la tête pour éloigner la culpabilité qui me guette. 

- Au Chili.

- Au Chili, reprend-t-il sans pouvoir cacher son étonnement. Quelle idée ?

Il a posé naïvement sa question sans se douter qu'elle allait me faire revivre les derniers instants de mon meilleur ami. Les tristes images qui défilent sous mes yeux me font encore souffrir. Mon corps se tend et Dan réalise alors la maladresse de son questionnement.

- Excuse-moi. Je... Je... Sami, finit-il par dire d'une voix presque imperceptible.

Il m'adresse un sourire bienveillant dont lui seul a le secret. Je plonge volontairement dans ses yeux pour apaiser mon âme.

- Tu sais je regrette de pas t'avoir demandé de venir avec moi, mais sur le moment j'avais besoin d'être seule. C'était bizarre. On va dire que je saturais. Je ne supportais plus rien ni le bon ni le mauvais. J'avais plus de force pour affronter la vie.

- Je comprends, répond-t-il en déposant un baiser sur mon front. Et puis tu serais probablement pas partie sans un mot si j'avais été moi brutal. 

- De quoi tu parles ?

- Quand tu m'as giflé, j'aurais dû te prendre dans mes bras pour te rassurer. J'aurais dû me mettre à ta place pour comprendre ton geste, mais au lieu de ça j'ai fui comme un lâche. Je t'ai laissé seule par fierté.

Sa voix devient tremblotante. Je pivote alors légèrement la tête pour l'embrasser avec tendresse. J'espère que ce geste pourra faire disparaître ses regrets et les miens.

- Je t'aime.

- Moi aussi je t'aime, répond-t-il avec un immense sourire. Je promets de plus jamais te laisser partir. T'es bien trop précieuse.

Son compliment me fait rougir ce qui ne lui échappe pas.

- Qu'est-ce que t'as fait là-bas ?

- J'ai écrit.

Mon cœur s'emballe et mes mains deviennent moites à cause d'une vague de stress imprévisible qui déferle sur moi. Je n'ai encore parlé de mon livre à personne.

A l'ombre de ma plumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant