XXXII. Une Question De Couleur

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Le ciel s'est couvert et quelques gouttes de pluie tombent en silence sur le bitume. L'air chaud commence à se refroidir tandis qu'une légère brise se lève. L'orage n'est pas loin. Cette simple pensée me ravit car je fais partie de ces individus énigmatiques qui apprécient le mauvais temps. Il m'apaise et m'inspire. Tous les étés, je prends plaisir à aller sur mon balcon pour écrire dès que les coups de tonnerre retentissent.

- On va chez moi ?

Je réponds à la question de Dan par un simple hochement de tête. Alors que nous commençons à marcher côte à côté, il m'attrape la main avec délicatesse. Discrètement je baisse mon regard vers nos deux mains enlacées. Cette vision plaisante me fait esquisser un petit sourire de bonheur. Seule ombre au tableau ; le dessus de sa main qui porte les stigmates de son combat contre mon meilleur ami. Ces traces me rappellent que je n'ai toujours pas eu de nouvelles de Sami depuis qu'il est parti à l'hôpital. Même si cela ne fait que quelques heures je commence à m'inquiéter. 

- T'es bien Dan Ed ? 

À cette question Dan me serre plus fortement la main. Sa mâchoire se contracte ce qui me fait comprendre qu'il est agacé par l'attitude de l'adolescent qui nous fait face.

- Ouais, finit-il par répondre sans enthousiasme.

- Je peux prendre un selfie ?

Dan acquiesce d'un hochement de tête, mais je vois bien que c'est à contrecœur. Il lâche ma main et déglutit avant d'afficher un sourire faux. La célébrité lui pèse. Tout son corps le crie, mais je semble être la seule capable de le voir.

- Merci mec !

Satisfait le jeune homme s'éloigne. Dan souffle un grand coup et relâche ses épaules avant de reprendre ma main. J'ai envie de lui demander pourquoi le fait d'être reconnu lui pèse tant, mais je n'ai pas envie de l'embêter avec mes questions. Nous traversons un petit square quand je remarque un groupe de jeunes qui nous dévisage tout en chuchotant.

- Bientôt on parlera que de toi sur les réseaux, me chuchote-t-il à l'oreille.

- Tu penses vraiment que les gens vont s'intéresser à moi sans aucune raison ? Ils ont pas autre chose de plus intéressant à faire ?

- Ce sont des curieux. Ils veulent tout savoir de ma vie. Enfin surtout de ma vie privée. Bientôt une vague de groupies jalouses va te tomber dessus ma belle. 

À son ton résigné je comprends qu'il a horreur de tout cela, mais qu'il ne peut rien y faire. C'est probablement cette impuissance qui l'agace. Alors que nous marchons depuis une bonne demi-heure, il me fait entrer dans une petite supérette. Nous arpentons les rayons quelques instants avant de nous arrêter devant les colorations pour les cheveux. Dan me lâche la main et commence à regarder les emballages.

- Quand je disais qu'il fallait que t'enlèves cette teinture blonde je sous-entendais qu'il fallait que t'ailles chez le coiffeur.

- Pour quoi faire ? Je suis sûr qu'avec ça ça marche aussi bien.

- Tu prends le risque de te louper !

- J'ai pas le temps d'aller chez le coiffeur. Je veux changer tout de suite. En plus t'es avec moi tu pourras m'aider. Je suis sûr que tu sais faire. C'est bien des trucs de meufs non ?

Des trucs de meufs. Ce cliché sexiste m'agace, mais je prends sur moi pour ne pas m'énerver. Je n'ai pas envie de gâcher ce moment après tout ce qu'il vient de se passer.

- Si je te loupe tu viendras pas te plaindre ! Tu viendras pas pleurer quand tout le monde parlera de tes veuchs dégueus.

- Léo. Les gens parlent de moi quoi que je dise, quoi que je fasse. Je vais pas commencer à me prendre la tête avec ça. Si tu veux pas m'aider, je le ferai tout seul. Je suis un mec déterminé alors quand j'ai décidé que j'allais faire un truc ni rien ni personne ne peut m'arrêter.

A l'ombre de ma plumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant