XXXIX. Prendre Le Pouvoir

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Je fixe l'usurier de Sami sans bouger et sans dire un mot. J'attends patiemment que sa colère explose. Mon plan est simple et s'avère efficace car comme je l'espérais il perd le contrôle au bout de quelques secondes. Il se lève d'un bond avant d'attraper son revolver pour le pointer sur moi.

- Dépêche-toi, hurle-t-il en s'approchant.

Mon cœur s'emballe, mon souffle devient plus rapide et mes pensées se brouillent. Tous ces signaux m'indiquent que mon corps s'apprête à ressentir le pic d'adrénaline. Tu dois taper d'un geste vif et franc sur les articulations. Cette fois papa tu seras fier de moi. Alors qu'il plaque son arme sur ma poitrine, je serre ma main de toutes mes forces avant de l'abattre d'un geste précis sur les articulations de son bras qui me tient en joue. Mon coup, précis et puissant, le surprend. Une vive douleur, irradiant tout son corps, le contraint à laisser tomber son arme. J'en profite alors pour la ramasser. Les rôles viennent de s'inverser. Je ne suis plus la proie, mais le chasseur. Celui qui peut donner la mort en appuyant du bout des doigts sur la détente. L'adrénaline retombe et la colère s'amenuise tandis que la fierté s'empare de moi. L'usurier commence à paniquer ce qui m'apporte une entière satisfaction.

- Écoute-moi bien espèce de connard, je crache avec colère tout en pointant l'arme sur lui. Ton fric tu l'as eu alors à partir de maintenant je ne veux plus jamais entendre parler de toi. Tu m'oublies. Tu oublies Sami. C'est le seul avertissement que je prendrais la peine de te donner. C'est clair ?

Il hoche la tête pour acquiescer. L'effroi qu'il éprouve ne fait qu'accroître le sentiment de puissance qui est en train de prendre possession de mon corps. C'est grisant. C'est terriblement exaltant d'être de l'autre côté de l'arme. L'espace d'un instant mon esprit prend la liberté de m'imaginer en train d'appuyer sur la détente. Je visualise avec réalisme son corps s'écroulant devant moi. Son sang se répandant sur son carrelage blanc. Je peux même voir ses yeux implorants et entendre ses dernières paroles qui ne seraient que des supplications. Abattre l'ennemi est une sensation terrible. Elle détruit une partie de ton âme, mais elle en nourrit une autre. Celle du soldat. Celle du combattant. Tu as cette partie sombre en toi Léo. Tout comme moi et c'est pour cette raison que tu deviendras une véritable guerrière. J'avais oublié ces mots de mon père qui étaient probablement enfouis dans les tréfonds de ma mémoire. Toutefois ce qui me perturbe n'est pas de m'en souvenir que maintenant, mais d'avoir l'impression qu'il vient de les prononcer à voix haute juste à mes côtés. Reprends-toi Léo, m'ordonne ma raison. Ce n'est pas le moment de perdre pied. Au même instant je l'aperçois dans un coin obscur du salon.

- Non papa ! Je suis pas comme toi, je crie à voix haute.

Les mots m'ont échappée. L'usurier me regarde comme si j'étais folle. Il ne peut pas s'empêcher de se retourner pour voir s'il y a quelqu'un dans l'angle dont je n'arrive plus à détourner les yeux. Est-ce à cela que ressemble la folie ? Alors qu'il se retourne et commence à afficher un sourire condescendant, je me reprends.

- J'ai été claire ? Je lui demande en plongeant mes yeux dans les siens pour bien lui montrer que je suis celle qui a le contrôle de la situation.

- Oui, finit-il par répondre à voix basse.

Sa réponse me satisfait. Je n'ai plus rien à faire ici. Sans attendre je jette son arme avant de sortir avec rapidité de son appartement. J'ai du mal à réaliser ce qui vient de se passer, ce que je viens de faire, mais surtout ce que j'ai eu envie de faire ; l'achever.

Devant l'immeuble, je prends plusieurs inspirations pour faire entrer de l'oxygène dans mes poumons. J'ai l'impression de revivre et de retrouver tous mes esprits. Je ne sais pas qui était cette femme, forte et courageuse, qui a pris possession de mon corps, mais j'espère simplement ne plus jamais la rencontrer. Ce n'était pas moi. Je ne suis pas violente. Je ne désire pas faire du mal aux gens, même à ceux qui le méritent.

A l'ombre de ma plumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant