A l'ombre de ma plume

XLIII. La Pluie Succédera Toujours Au Soleil

Cela fait plus d'une heure que nous faisons des photos avec les jeunes du quartier. Chacun désire garder une petite partie de nous à travers un simple cliché comme pour pouvoir se redire plus tard ; je les ai connus. Dan affiche un sourire heureux comme si les fans des Caramels lui étaient bien plus agréables que ses groupies habituelles. Je suis touchée et même fière d'incarner une lueur d'espoir pour toute la cité. Sami profite de chaque seconde. Il vient d'accéder à un état de bonheur absolu auquel nous prétendons tous. La foule s'est peu à peu dissipée et il ne reste plus que quelques garçons atour de nous. Alors que je m'étire, épuisée par ce début de journée, mon attention est attirée par une moto qui n'arrête pas de faire des allers-retours au loin. Le conducteur et son passager semblent attendre quelque chose. Du coin de l'œil, j'observe leur manège sans m'inquiéter davantage.

- Je suis claquée, dis-je à Sami qui signe un dernier tee-shirt.

- La même Chica. La vie de star est finalement bien plus pénible que ce qu'on pensait.

Nous rions avec légèreté lorsque la moto s'approche un peu plus près de nous. Je distingue maintenant deux hommes entièrement vêtus de noir. Leur casque intégral ne laisse rien deviner de leur identité. Ils s'approchent lentement. Beaucoup trop lentement. Mon cœur commence à s'affoler. Il sent un danger, mais il est incapable de savoir d'où il va surgir. Soudainement je suis éblouie par un reflet. Je réalise trop tard qu'il est provoqué par un pistolet. La catastrophe que je redoutais est sur le point d'arriver. En une fraction de seconde le passager de la moto le pointe sur moi. Je devrais bouger, crier, mais mon corps reste pétrifié.

- Léo !

La voix de mon meilleur ami retentit en même temps que la déflagration de l'arme. Sans que je ne sache comment, Sami parvient à se mettre devant moi et nous nous écroulons lourdement sur le sol. Mes yeux restent rivés sur la moto qui s'éloigne à vive allure.

- C'est quoi ce bordel ? Hurle Dan en s'accroupissant près de moi. Tu vas bien ?

Son ton horrifié me glace le sang. Sous le choc je suis incapable de parler. Je ne pense plus qu'à une seule chose ; Sami. Je tourne les yeux vers mon meilleur ami et ne vois que du rouge. Du rouge. Trop de rouge. Il gît dans une flaque de sang qui semble s'étendre au fur et à mesure des secondes qui s'écoulent. La flaque devient une mare, un véritable océan. La poitrine de Sami se soulève avec difficulté et du sang apparaît au bord de ses lèvres. Mon cerveau associe toutes les images qu'il voit et réalise que mon meilleur ami vient de se faire tirer dessus. Il vient de prendre la balle qui m'était destinée. Non ! Ce n'est pas possible ! Avec désespoir je me jette sur lui. Le choc laisse place à l'anéantissement. Je m'agenouille près de Sami, pleure, hurle, pousse des cris de souffrance sans même en avoir conscience. J'attrape sa tête pour la poser en douceur sur mes genoux. Je passe ma main sur sa joue tandis qu'il plonge ses yeux dans les miens. Il me sourit, mais je peux voir la lueur de vie disparaître lentement de son regard.

- Chica, murmure-t-il avec difficulté.

- Parle pas, je crie en sanglotant. Ça va aller ! Accroche-toi.

Perdue je tourne la tête vers Dan qui est déjà en ligne avec les secours. Je n'arrive pas à comprendre ce qu'il dit, mais il se met à appuyer sur la plaie d'où le sang jaillit. Horreur. Carnage. Enfer. Les synonymes défilent à allure incroyable dans mon esprit pour décrire ce que mes yeux voient. J'essaie de m'y accrocher pour ne pas défaillir. Mon cœur est brisé en un milliard de petits morceaux. Je ne sais même pas comment il parvient encore à pomper le sang pour le faire circuler dans mon corps. Sami m'attrape le bras pour me demander silencieusement de le regarder.

- T'as rien ? Demande-t-il d'une voix qui me paraît encore plus faible.

- Non ! Je réponds avec des rires nerveux entremêlés à de puissants sanglots. Je vais bien Chico. T'en fais pas pour moi. Accroche-toi les secours arrivent.