XLI. D'une Confession À Une Promesse

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Immobile je ne peux pas détourner les yeux de la balle de revolver que je tiens entre mes mains. La peur s'évapore pour laisser place à la culpabilité. Tout est de ma faute. Je n'aurais pas dû jouer la femme forte. Si je lui avais simplement donné ce qu'il désirait je me serais débarrassée de lui à tout jamais. Mon attitude insoumise a attisé sa haine. Je l'ai provoqué en l'humiliant dans son propre appartement. J'ai voulu jouer à la guerrière tout en oubliant que je n'en étais pas une.

- Ça va ma belle ?

La voix de Dan me sort de mon trouble. Je dois me reprendre pour ne pas éveiller ses soupçons. Je lui offre mon sourire le plus hypocrite avant de poser la balle sur mon bureau.

- Je suis juste fatiguée, finis-je par répondre en m'étirant.

Mon mensonge me coûte, mais je n'ai pas d'autres choix. Je ne peux pas le mêler à cette histoire car je ne veux pas le mettre en danger et je n'ai aucune envie de lui expliquer mon altercation avec l'usurier. Cette rencontre a dévoilé la part obscure qui vit en moi. Dan ne doit pas la découvrir. Elle risquerait de le faire fuir. Cette simple idée me glace le sang. Je ne peux pas le perdre. Pas maintenant. Pas après toutes les belles choses qu'il m'a dites.

- C'est vrai que c'est petit, mais j'aime beaucoup. Ça te ressemble, dit-il en parcourant des yeux mon logement.

Il m'enlace en me rejoignant devant mon bureau. Son étreinte calme mon corps. Je ferme les yeux dans l'espoir d'oublier mes erreurs et de retourner dans mon petit cocon de bonheur.

- C'est ton père ?

J'ouvre les yeux avant d'acquiescer d'un hochement de tête. Dan attrape le cadre où trône la photo du premier homme de ma vie. Il l'observe sans dire un mot. Ses yeux deviennent humides et trahissent son émotion. Sa réaction me touche.

- Tu lui ressembles beaucoup, murmure-t-il reposant la photo sur mon bureau. Vous avez les mêmes yeux. C'est à lui ? Demande-t-il à voix basse en attrapant une médaille militaire que je laisse toujours à côté de son portrait.

- À son grand-père, je réponds avec émotion. Pour être précise c'est la croix de guerre de mon arrière-grand-père.

Dan la tourne entre ses doigts sans la lâcher des yeux. Je n'avais pas prévu de lui parler de tout cela ce soir, mais l'occasion me paraît idéale. Nous avons passé une belle soirée et il m'a parlé à cœur ouvert. J'estime que c'est à mon tour de m'ouvrir et de faire un pas vers lui.

- Il était militaire. Il a participé à la première guerre mondiale et a eu la chance d'y survivre. Quand elle a pris fin il a reçu cette médaille. Une croix de guerre. Elle récompense sa conduite exceptionnelle au cours du conflit.

- Ça devait être un homme remarquable.

La voix de mon amant n'est plus qu'un murmure. Nous échangeons un sourire tendre et complice.

- Selon mon père et les dires du sien il l'était. Il est devenu un modèle, un exemple pour tous les hommes de la famille. Ils sont tous devenus d'excellents militaires pour honorer sa mémoire. Enfin c'était le cas jusqu'à moi.

Ma voix se brise. J'ai détruit une tradition familiale en étant une femme puis en refusant de m'engager dans l'armée. Je ne le réalise que maintenant et cela me permet de comprendre en partie l'attitude de mon père envers moi. Je comprends également sa déception.

- T'as changé de domaine, mais toi aussi tu es incroyablement douée. T'es la meilleure parolière du rap français.

Je hausse les épaules avant de le remercier pour son compliment avec un sourire chaleureux.

A l'ombre de ma plumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant