XXIII. À La Courte Paille

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Allongée sur mon lit, je ne peux plus détourner les yeux du plafond que je fixe depuis maintenant plusieurs minutes. Merci. Ce mot résonne inlassablement dans ma tête comme pour me rappeler à quel point je suis stupide. Merci. Dan me dévoile à cœur ouvert son attachement et je ne trouve rien de mieux à répondre. Quelle idiote ! Le pire c'est que pour aggraver mon cas j'ai préféré m'enfuir sans un regard pour lui. La gêne était si forte que je n'ai pas pu rester pour essayer de me rattraper. Dès que je suis retournée dans ma chambre la réponse parfaite, celle que j'aurais dû lui donner, m'est venue comme pour me narguer. Trop tard Léo ! Après une nuit agitée je ne trouve pas la force de me lever. L'idée de me retrouver face à Dan et de devoir m'expliquer me terrifie. Les hurlements des garçons dans le salon me sortent de mes réflexions angoissantes. Qu'est-ce qui peut bien autant les exciter d'aussi bon matin ? Ma curiosité parvient à me sortir du lit. Avant de les rejoindre je me dévisage dans le miroir où je découvre une étrange expression dans mes yeux. La satisfaction d'avoir sauvé la place de Sami et la honte de ma réponse à Dan. Je suis tiraillée entre ces deux sentiments contradictoires.

- Je suis pas d'accord, crie Nicolas alors que je traverse le salon. On doit trouver un moyen équitable de départager.

- Grave ! On va pas se laisser faire, renchérit Sami.

Toujours un peu endormie, je frotte mes yeux avec vigueur et m'étire avant de m'installer à la table. Les garçons mènent un débat houleux. Je les observe silencieusement tout en prenant bien soin de ne pas croiser le regard de Dan.

- T'en penses quoi Léo ? 

La voix de Dan qui m'interpelle fait renaître en moi le malaise ressenti la veille. Je me mords nerveusement l'intérieur des joues et m'oblige à le regarder comme si de rien n'était. Il affiche un sourire amusé qui ne fait qu'accroître ma gêne. On dirait même qu'il s'en rend compte et que ça l'amuse.

- J'en pense rien, finis-je par répondre. Je sais même pas de quoi vous parlez.

- On a reçu quatre billets pour aller au concert de Drake cet aprèm, mais comme tu le sais on est six. On cherche donc un moyen de désigner les deux qui vont devoir rester ici, m'annonce-t-il en me regardant droit dans les yeux.

Alors qu'il s'approche lentement, tel un fauve sur sa proie, je sens mon rythme cardiaque s'accélérer. Incapable de soutenir son regard je me focalise sur le reste du crew. Dan à la capacité de me déstabiliser avec une facilité déconcertante.

- Le hasard, je déclare en haussant les épaules. Il faut faire un jeu qui repose sur le hasard.

- Ma Chica a toujours les meilleures idées du monde, répond Sami en me faisant un petit clin d'œil plein de tendresse.

- Courte paille ? Propose Nassim.

Tout le monde acquiesce tandis que je pars à la recherche de pailles dans la cuisine. Je dois ouvrir plusieurs tiroirs et placards avant d'en trouver. D'un geste sûr et rapide j'en coupe six de tailles différentes. Je les place ensuite dans ma main à l'abri du regard des garçons qui trépignent déjà d'impatience.

- Je rappelle les règles, dis-je tel l'arbitre que je suis devenue sans le vouloir. Chacun choisi une paille et je prends celle qui reste. On commence par le plus vieux.

Nassim s'approche et regarde les pailles avec attention avant d'en tirer une. Elle est assez longue. Satisfait de son choix il s'éloigne en souriant tandis que les autres tirent les uns après les autres. Sami attrape ce qui semble être la plus longue. Tel le gamin qu'il est, il se met à bondir dans la cuisine à cause de l'excitation qui le submerge. Je sais que voir Drake en concert est l'un des ses rêves. Quand j'ouvre enfin la main, je découvre que ma paille est minuscule.

A l'ombre de ma plumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant