A l'ombre de ma plume

XVI. Sous Les Étoiles

Le bruit d'une musique étouffée me sort lentement de mon sommeil. Au fil des minutes il devient de plus en plus fort et finit par me réveiller. Allongée sur le canapé je tends l'oreille et distingue une voix rappée, mais je n'arrive pas à identifier son propriétaire. La curiosité me pousse à me lever. Guidée par le son, je traverse le grand salon uniquement éclairé par la brillante lune qui a pris place dans le ciel. Quand j'arrive devant la baie vitrée, j'aperçois une silhouette assise sur un des transats devant la piscine. L'espoir me pousse à penser que c'est Sami car nous n'avons toujours pas discuté. Tel un enfant boudeur et capricieux, il a choisi de m'ignorer pour une durée que lui seul connaît. 

Alors que je m'approche de l'inconnu à pas feutrés, sa voix me parvient de manière nette et me permet de reconnaître celle de Dan. Spontanément mon cœur s'accélère, un sourire se dessine sur mon visage et une curieuse moiteur s'empare de mes mains. Je dois me faire violence pour retrouver le contrôle de mon corps.

- Tu pouvais pas te mettre ailleurs ? Je te rappelle que je dors dans le salon.

Ma voix toujours endormie prononce ces paroles avec moins de dureté que je ne le souhaitais. Mes yeux s'étant habitués à l'obscurité j'aperçois un franc sourire sur ses lèvres. Cette expression met en valeur sa mâchoire carrée parfaitement bien dessinée. 

- Je me suis mis ici uniquement parce que je voulais te réveiller. Assieds-toi.

Son ton joueur et sa franchise me déroutent. Comment a-t-il pu être aussi désagréable avec moi lors des premiers jours dans cette maison ? Sa méfiance et son effarouchement ont disparu pour laisser place à une amabilité un peu trop exacerbée. Sans réfléchir davantage je m'installe en face de lui. Lorsque je réalise que nos genoux se touchent presque une puissante envie de me rapprocher un peu plus pour connecter nos corps me prend.

- Pas mal ton pyjama, déclare-t-il avec ironie.

Ma tenue de nuit est composée d'un vieux jogging gris et d'un tee-shirt troué que je traîne avec moi depuis plusieurs années. Après la réflexion de Sami sur ma tenue de ce matin, je suis allée récupérer cet ensemble pour ma nouvelle nuit sur mon lit d'appoint. Même si sa critique m'a moins blessée qu'il ne l'espérait, elle n'est tout de même pas tombée dans l'oreille d'une sourde et je l'ai donc naturellement prise en considération.

- Après si je peux être honnête, je préférais quand même celui que tu portais ce matin. Il t'allait mieux, conclut-il avec un clin d'œil charmeur. 

Ce petit détail me fait rougir, mais l'obscurité rend cette réaction de mon corps invisible. Un silence s'installe et je lève les yeux vers le ciel pour admirer la pleine lune ainsi que les quelques étoiles parsemant la voûte céleste. Alors que cette vision m'inspire de nouvelles paroles, une foule de questions s'installe dans mon esprit. Pourquoi Dan a-t-il perdu subitement toute inspiration ? Est-ce véritablement dû à la pression ? A la peur de décevoir son public ? Réussira-t-il à retrouver son excellente plume ? Je le lui souhaite car en tant qu'auteure je sais que c'est une véritable malédiction qui peut vous frapper à n'importe quel moment et pour une durée indéterminée. Je redoute qu'un jour elle ne s'abatte sur moi. Alors que des frissons d'effroi parcourent mon dos, Dan me crache un nuage de fumée au visage.  

- T'en veux ? Me demande-t-il en me tendant sa cigarette.

- Non. Je fume pas. Je dois même t'avouer que j'ai jamais essayé.

- Fallait pas me dire ça ! L'idée de faire une première fois avec toi à quelque chose de très excitant, annonce-t-il avec amusement. Allez tire une taff. Faut que t'essaies avant de mourir.

- Désolée mais il y aura pas de première fois ce soir.

- Pourquoi ?

- Parce que j'en ai fait la promesse à mon père et je suis une femme de parole.