Chapitre 9 - 1

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Le soleil se lève au son des sabots de nos chevaux qui frappent le sol. La Mondonian disait vrai, ils sont robustes. Plus que tous ceux que j'ai montés auparavant. Depuis notre réveil, ni Vorondil ni moi n'avons dit un mot. Nous nous éloignons de la Vallée d'un même rythme, traversant la crevasse de Terra et la rivière dans le silence matinal. J'ai l'impression que parler risque de briser la sérénité qui nous entoure. Le calme et la sécurité sont encore là. Le chemin pour Morowen nous est familier, rassurant. Notre concentration pour cette première étape du voyage fait fuir mes pensées apeurées. Ici, je suis en terrain connu. Mes sens sont tout de même en éveil, à l'affût des bêtes sauvages ou des Fuyeurs. Nous amorçons notre entrée au sud des Montagnes d'Arbos qui nous accueillent avec une montée abrupte. Nous laissons derrière nous la fête de l'Anglomet, ses marchands et ses jeux pour regarder au-devant de nous. De larges arbres résineux nous montrent le chemin. Le sentier terreux a été tapé des milliers de fois, si bien qu'il commence à s'affaisser.

Nous voilà partis pour deux semaines de chevauchée à travers ces sommets avant d'arriver à Morowen. Moi qui ai pris l'habitude de faire ce voyage seule, la présence de Vorondil me ravis. La chevauchée me semblera moins longue. Plus nous approchons des sommets et, de ce même fait, du nord, plus la neige se montre. Le sol est tapi d'un léger manteau blanc, mais un sabot sur la terre suffit pour le faire fondre. Le chemin devient de plus en plus escarpé, des cailloux roulent sous les pas de nos chevaux. Lorsque le sentier nous le permet, nous allons au trot ou au galop. Quand l'air se rafraîchit, je décide d'enfiler un de mes gros manteaux de fourrure débordant de mon sac à dos. Vorondil estime que le froid ne l'étreint pas encore assez pour avoir besoin d'un tel vêtement. Si je dois bien admettre une chose à propos de mon ami, c'est qu'il n'est pas frileux pour un sou. Sa masse graisseuse l'aide sans doute, car je ne l'ai jamais vu avoir un frisson.

Le soleil commence à descendre quand je pense à manger. Cette journée m'a retourné l'estomac et jusque-là, il ne m'a pas fait part d'une quelconque faim. J'attrape de la viande fumée dans mon sac et l'odeur fait appel à mon ventre qui gargouille. Je partage ce trésor avec Vorondil et nous continuons à avancer tout en nous alimentant. Mais maigres provisions ne durerons sûrement pas tout le voyage, mais nous y sommes préparé. En mission, et ce peu importe leur durée, les jours où nous mangeons un repas se comptent sur nos doigts.

— Alors, commence Vorondil en brisant le silence pour la première fois de la journée. As-tu l'adresse de ce fameux Tulkàs ?

Je mastique difficilement un bout de gibier avant de prendre la parole.

— La Mondonian m'a dit d'aller à la Cache, il y va tous les soirs d'après elle.

— Vraiment ? Je l'ai peut-être déjà croisé alors.

— Moi aussi, mais le nom de Tulkàs ne me dit rien.

Vorondil secoue la tête pour avouer que lui non plus. La Cache a beau être l'un de mes endroits favoris à Morowen, je ne connais pas tous ses clients. J'aime cependant l'aspect discret de ce bar. Les gens qui le fréquentent sont soit des voyageurs, soit des travailleurs. Non pas des gens avec un poil dans la main, bien au contraire. La plupart entrent dans le bar alors qu'ils sont encore sales de suie et ne prennent pas le temps de se laver en rentrant des mines. Il n'est pas rare d'en croiser certains aux tendances misogynes, mais il suffit de leur planter un couteau entre les deux doigts pour les forcer à respect la femme face à eux.

Vorondil en profite alors pour me questionner plus profondément sur ce qui a été dit au Conseil. Je lui raconte la réunion en détail, tout ce qui a été dit, tout ce qui a été fait, et lui montre la lettre écrite par la Mondonian à l'intention de Tulkàs. Je me doute bien que rien de ce qu'il y a inscrit sur ce bout de papier ne va m'étonner, mais le fait de pouvoir le lire, d'y avoir droit, éveille en moi une excitation sans pareille. Quand je lui tends, Vorondil s'en empare et le lit à voix haute.

QORWIN : Le Remède Mortel [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant