Chapitre 7 - 1

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Je salue Faënor d'un geste de la main et le laisse avec les villageois qu'il conduit au centre de soins. Je profite du peu de temps qu'il me reste avant que la réunion avec le Conseil ne commence. À notre entrée dans la ville, un garde s'est assuré de l'organiser dans les plus brefs délais. J'entre dans le salon de thé de mes parents à pas de loup. L'endroit semble tout aussi désert que les rues d'Argorfel.

— Maman ? appelé-je dans le vide.

La boisson chaude, qu'elle sirote chaque matin près du comptoir, est déversée à terre. La tasse est brisée et les bouts de porcelaine n'ont pas été ramassés. Cet indice ne me dit rien qui vaille. J'entends soudain quelqu'un dévaler les escaliers. J'accours dans cette direction et vois ma mère. Je la prends dans mes bras, soulagée de la savoir en santé.

— Oh ma chérie... J'avais si peur que tu sois tombée malade.

Sa phrase me donne un coup à la poitrine. Elle vient de me confirmer qu'il y a des cas ici aussi. Elle rompt notre étreinte pour m'observer de la tête au pied comme pour s'assurer que c'est bien moi. Son soulagement laisse rapidement place à l'inquiétude.

— Pourquoi es-tu de retour ?

Son regard est teinté de tristesse. Elle le sait. Son visage semble vieillit dû à son évident manque de sommeil.

— Les gens sont devenus fous, maman. Ils se battaient tous... On a dû assommer les malades. Je les ai ramenés à la maison.

Ses yeux parcourent les miens, y cherchant une lueur d'espoir.

— Je voulais m'assurer que vous alliez bien.

Quand je prononce cette phrase, elle baisse la tête. On dirait qu'elle voudrait se faire pardonner de quelque chose. Durant un instant, mon cœur se serre. Je regarde autour de nous, mais ne le vois pas.

— Père ? demandé-je.

Elle me regarde tristement.

— Je... J'ai dû l'enfermer dans la cave.

J'amorce le choc.

— Il est malade, déduis-je.

Elle acquiesce alors que ses yeux s'emplissent de larmes. Malgré la rancune que j'éprouve pour mon géniteur, le savoir fou ne me ravit pas. Mais la chose qui m'effraie le plus, c'est ce qu'il a pu faire à sa femme s'il est empreint de folie.

— Il a essayé de te faire du mal ?

Ma mère ne me répond pas, elle commence à pleurnicher. Je la secoue pour la faire revenir sur terre. J'ai besoin d'une réponse.

— Est-ce qu'il t'a frappé ?

— Non... Il voulait juste... partir.

— Pourquoi ne l'as-tu pas laissé s'en aller ?

Ma question lui fait autant de mal qu'à moi. Le laisser partir aurait peut-être été une bonne chose pour elle. Mais je ne peux cependant pas oublier que cet homme est mon père. Qu'il a été bon pour nous deux, il fut un temps. Un mince fil d'affection me raccroche encore et toujours à lui. Je ne peux me ficher du sort de ma famille.

— Il n'était pas lui-même, j'avais peur qu'on lui fasse du mal...

— Maman, la coupé-je.

Je sais qu'elle ne me dit pas la vérité. Les chances qu'il se fasse tuer s'il part de la maison sont infimes. Ce pour quoi elle l'a réellement empêché de le faire, c'est, car elle a peur d'être seule. Elle est bien plus effrayée par la solitude que par la maladie. Et elle l'aime. Peut-être même d'une manière trop obsessionnelle pour être saine. Mais je ne peux pas lui en vouloir pour cela. Sans lui, elle serait probablement morte de faim lorsqu'elle n'était qu'une adolescente.

QORWIN : Le Remède Mortel [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant