Chapitre 13 - 2

104 23 7
                                    

— As-tu ma gourde ? me demande-t-il.

Bien trop happée par tous les évènements ayant suivi ma rencontre avec les loups, j'en ai oublié la tâche qui m'a conduite jusque-là : prendre de l'eau.

— Oui. D'ailleurs, j'ai rencontré des loups en les remplissant, avoué-je en fouillant dans mon sac.

Je lui tends le récipient et il le prend joyeusement.

— Des loups ? s'étonne-t-il avant de porter l'eau à ses lèvres et de boire goulument.

— J'en ai tué trois. Après ça, l'avalanche s'est déclarée et a fait fuir l'autre moitié.

Il me fixe, la bouche entrouverte et les sourcils froncés. Pendant un instant, je pense qu'il va me féliciter pour ce combat, voire me dire que, malgré sa peur des animaux, il est triste de m'avoir laissée seule dans cette situation, mais il fait tout le contraire.

— Pourquoi n'en as-tu pas emporté au moins un sur ton cheval ? grogne-t-il.

Je reste stoïque un instant, surprise par sa réaction déplacée.

— La neige arrivait, je n'ai pas eu le temps, le rembarré-je.

— Qorwin, la nourriture est rare ici, on commence à avoir faim, demain ce sera pire !

— Si j'avais tenté d'en prendre un, je serais sous la neige à l'heure qu'il est ! m'énervé-je.

Le sang bout à mes veines. Comment peut-il être aussi stupide ? Je sais que Vorondil est extrêmement sensible à la faim et malgré qu'il soit messager depuis six ans, bien habitué à rester des jours sans manger, il devient exécrable dès qu'il manque un repas. Il ne se contente de pas grand-chose. Malgré tout, il faut absolument qu'il ait de quoi à grignoter matin et soir, même si ce n'est qu'une poignée de baies.

Son visage s'est affiné depuis notre départ de la plaine. Sur son corps entier, il semble avoir perdu autant de gras que de muscle, manque de protéines oblige. À chaque fois que nous rentrons de nos voyages, nous mangeons beaucoup, prenons du poids pour se préparer à repartir. Il nous faut des réserves. Mais concernant cette quête, je ne m'y suis pas préparée. À peine rentrée de mon aller-retour pour Morowen que me voilà déjà repartie, sans avoir pu développer l'enveloppe corporelle nécessaire. Heureusement, j'ai un bon mental en ce qui concerne le manque de nourriture. Tant qu'elle n'est pas sous mes yeux. Comme pour me rappeler que ce n'est pas que moi qui décide, mon ventre se met à gargouiller en même temps que Vorondil reprend la parole d'un ton plus calme.

— Désolée. Je commence à avoir faim, voilà tout.

— Je sais.

Après un échange de regard compréhensif, je porte mon attention vers les deux Greymars. Je secoue la tête, déprimée, lorsque je vois Tulkas avaler son alcool aussi rapidement que de l'eau.

— L'ivresse est la solution à tous ses maux, on dirait, soupire Vorondil.

— J'espère juste qu'il ne va pas vaciller et tomber dans le ravin.

Malgré son balancement de gauche à droite, Tulkas réussit à avancer sans trop de risques. Il laisse son cheval à Nelwen et se concentre sur ses pieds. Il fait glisser une main sur la roche froide tandis que l'autre lui sert à se stabiliser, malgré la flasque qu'il tient encore. Je le fixe, prête à détaler vers lui en cas de besoin. Vorondil s'approche doucement et lui tend la main.

— Je vais vous aider, nous y sommes bientôt.

Après un instant d'hésitation, Tulkàs accepte son aide.

Nelwen fait preuve d'une agilité sans faille malgré les deux chevaux qu'elle amène avec elle. Elle laisse traîner les rênes de la monture de son oncle qui la suit docilement. La petite blonde nous offre même un sourire détendu durant sa traversée. Est-elle consciente que le précipice n'est qu'à quelques centimètres de ses pas ? Au vu de son attitude légère, on pourrait en douter.

QORWIN : Le Remède Mortel [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant