Les Poriks nous accueillent chaleureusement. Certains sont sortis de leur Arbre pour nous souhaiter la bienvenue sur leurs terres et nous faire part du bonheur qu'ils éprouvent à nous revoir. Pour discuter avec les personnes de grande taille, ils utilisent des objets en forme d'entonnoir afin d'amplifier le volume de leur voix. Autrement, nous les entendons moins qu'une mouche. Ils s'affairent depuis l'aube pour sortir toutes les immenses toiles blanches de leur grand Arbre. Il faut dire que tout paraît grand à côté de ces créatures. Ils sont une centaine à tenir les draps au-dessus de leur tête pour les étaler en L sur la moitié de la Vallée. Nous dormirons sous ces tentes de fortune durant les deux prochaines semaines, les uns empilés sur les autres. Les mini-hommes obéissent aux ordres de l'incorrigible Gringumuhm. Il plaît à ce dernier de se proclamer organisateur d'événements. Cependant le peuple des Poriks est le plus mal organisé que je connaisse. Ils n'ont aucun système aux commandes et aucun dirigeant. Il n'y a qu'une seule et même classe sociale et ils se partagent chaque chose présente dans l'Arbre qu'ils habitent. Il faut dire, lorsque tous les individus se volent sans cesse l'un l'autre, il est tôt fait de ne plus rien avoir à soi.
Les mini-hommes ont, depuis leur apparition, élu domicile dans l'immense chêne qui orne la Vallée. Ce même chêne qui a donné vie à Arbos, notre père Magicien. C'est le seul arbre qui se trouve en ce lieu. Ses feuilles vertes font un contraste étonnant avec l'herbe éternellement jaunâtre. Je lève les yeux pour admirer les terrasses que les Poriks ont construites sur les branches imposantes. Je les vois à peine tant ils sont haut —et petits. Je discerne cependant un mouvement que je devine comme une salutation. Parfois, je souhaite rapetisser pour pouvoir entrer dans cet arbre et découvrir ce qui s'y cache. Les Poriks aiment bien jouer des « Grands Peuples », comme ils nous appellent. Une grande partie d'entre eux raconte qu'à l'intérieur, il y a une multitude de petites maisons. D'autres prétendent qu'il n'y a aucune cloison. Parfois, nous avons droit à des idées farfelues que nous oublions après une heure tant elles sont improbables. Mais au final, nous ne savons toujours pas de quelle manière ils vivent, et je doute que nous le sachions un jour.
La Vallée est apaisante et dégage un sentiment de calme. La crevasse qui la sépare en deux et s'étend à perte de vue vers le nord vient casser cette sérénité. C'est le signe du passage de Terra, déesse de la Terre, en ce lieu. Seul un pont en pierre friable permet de traverser l'immense faille. Plusieurs rumeurs racontent que la déesse prend en offrande les âmes qui tombent entre ces roches. L'âme de mon oncle. Il est mort en sautant par-dessus avec son cheval, lors de la course de Tchalimba. Ce parcours tient son nom de l'ancien guerrier et dirigeant des Greymars, aujourd'hui mort.
Durant la Guerre des Trois, longtemps après la période d'esclavagisme, le peuple minier, celui aux oreilles pointues et celui doté de magie, se sont affrontés une fois de plus dans la Vallée de l'éternel. Tchalimba guidait son armée qui venait des Montagnes d'Arbos. Il est arrivé sur son cheval au galop. Ne prenant pas compte des obstacles, il fonça droit dans la rivière qu'il traversa à la nage en tirant sa monture par les rênes puis, remontant dessus, il est allé jusqu'à sauter au-dessus de la crevasse de Terra pour rejoindre la bataille. Aujourd'hui, cet homme est l'exemple même du courage. Une véritable légende. Chaque jour de l'Anglomet, deux personnes concourent à cette course en reproduisant le même parcours que Tchalimba, dans le but de témoigner leur respect et de se souvenir de son courage. La plupart des participants sont des Greymars, mais il arrive qu'une autre espèce veuille tenter l'aventure.
À l'est de la Vallée, par-delà le lac et la rivière d'où provient l'eau de la cascade d'Argorfel, les Montagnes d'Arbos se dressent. Hautes, effrayantes. Au loin, on peut apercevoir un beau manteau de neige habiller ces dames. Lorsque je les admire, les unes après les autres, j'ai l'impression que les sommets font la course à la grandeur. J'en viens presque à me demander s'ils ne s'élèvent pas en ce moment même, sous mes yeux. Plus les montagnes migrent vers le Nord, plus elles ressemblent à des pics, aussi acérés que la lame de mes dagues. Il semblerait que quiconque arrive au sommet se fasse empaler.
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QORWIN : Le Remède Mortel [TERMINÉE]
FantasíaA Argorfel, où la magie est banale, les Narodims; des êtres dont les pouvoirs ont été enlevés, sont très peu considérés. Mais lorsqu'une maladie frappe la contrée, c'est pourtant sur l'une d'entre eux que tous les espoirs vont reposer. *** Dans la...