Chapite 14 - 2

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  L'odeur de viande cuite se fraie un chemin dans mes narines et me pousse à ouvrir difficilement les yeux. Je suis encore sonnée par le coup que j'ai reçu sur la tête. Le contact avec la roche n'a pas été doux. Ma vue met du temps à devenir nette. Ce n'est que lorsque je prends pleinement conscience d'où je suis que je panique. Mes pieds sont liés et mes mains sont attachées au-dessus de ma tête par de vieilles cordes humides. Nelwen est à côté de moi, encore dans les vapes.

La grotte est grande et en son centré crépite un bon feu. Au travers des flammes, j'entrevois le visage du tueur d'ours. Il est en train de cuire sereinement une pièce de gibier. Je salive à la vue de la nourriture. Je suis à la fois effrayée et énervée et j'ignore quel est le meilleur comportement à adopter. Je n'ai jamais été prise en otage. J'ai beau essayer de me défaire de mes liens, ils sont bien trop serrés.

— Tu t'épuises pour rien, me dit mon ravisseur.

— Qu'est-ce que vous nous voulez ?

Ma voix est dure, aucune peur n'y transparaît, car la haine a pris le pas sur toutes les émotions qui affluent en moi. Il rit jaune et mort férocement dans la viande à peine cuite. Mon ventre gargouille, l'air de dire que lui aussi en meurt d'envie.

— Je te retourne la question. C'est toi qui as essayé de me tuer.

Il se lève de son banc en bois de fortune et se place face à moi, une belle pièce d'ours dans ses mains salies par la terre et la vie dehors.

— J'essayais de survivre, gondé-je.

Devant son regard énigmatique, j'en dévoile un peu plus. Il aurait pu nous tuer, mais c'est ravisé. Il faut que je sache pourquoi.

— Nous avions faim, voilà tout.

— Tu en veux ?

Il met en évidence la viande qu'il passe sous mes narines. J'ouvre la bouche alors même que celle-ci est inatteignable. D'un geste précis, il sort ma dague de sa ceinture. Je n'ai même pas le temps d'avoir peur que mes mains soient détachées et la lame à nouveau à sa place. Je reste désemparée quelques instants, le temps de réaliser ce qu'il vient de se passer.

— Pourquoi avez-vous fait ça ?

Il me tend le morceau de viande.

— Car ce n'est pas en produisant la peur que l'on crée la confiance.

Je fourre la viande dans ma bouche pour avoir mes deux mains libres et délie mes pieds. Le jus du gibier coule sur mes lèvres et mon menton tandis que mes papilles revivent enfin. J'arrache un morceau avec mes dents.

— Nelwen, l'appelé-je en prenant son visage entre mes mains.

Son corps est d'abord mou puis se revigore à mon contact.

— Réveille-toi ma belle. On a à manger.

Je jette des coups d'œil furtif à l'homme qui s'est rassis près du feu. Il m'observe et ne m'empêche pas d'agir. L'adolescente gémit et ouvre lentement les yeux. Elle prend une grande inspiration dictée par la peur lorsque ses souvenirs lui reviennent.

— Tout va bien, tout va bien.

J'entreprends de lui détacher ses liens, mais sa corde est plus raide que la mienne. Contre toute attente, notre ravisseur revient pour la couper. Je reste de marbre et le remercie d'une voix incertaine. Nelwen me lance un regard totalement dérouté alors que je lui offre de la viande. La seconde d'après, elle a déjà commencé à l'avaler.

— Pourquoi voudriez-vous que l'on se fasse confiance ? questionné-je.

— Car nous pourrions nous être utiles l'un pour l'autre.

QORWIN : Le Remède Mortel [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant