Chapitre 19 - 2

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Je prends un instant pour digérer l'information. Voilà donc la raison pour laquelle le Conseil le connaissait, la raison pour laquelle ils l'ont choisi pour nous accompagner dans notre quête. Car il est le seul survivant. Je comprends aussi la raison pour laquelle il a commencé à boire. C'était son seul moyen pour penser à autre chose qu'à la mort de ses amis.

— Je n'ai jamais entendu parler de telles expéditions.

— Ils les ont fait passer sous silence, ils ne peuvent pas avoir ce genre de mort sur la conscience.

Encore une fois, le Conseil n'est pas aussi blanc que les murs qui l'entourent.

— En veux-tu une goutte ? me propose Tulkàs en me tendant l'alcool. Cela pourra peut-être t'aider à oublier tes démons quelque temps...

Son regard se fait plus insistant.

— Non merci.

Il hausse les épaules et prend une dernière gorgée avant de ranger la boisson dans sa poche.

— Je suis désolé de ce qu'il t'est arrivé l'autre nuit.

Je le regarde, fébrile. Bien que j'aie réchappé aux désirs mal placés du Fuyeur aux cheveux noirs, je ne tiens absolument pas à repenser à ce moment.

— Il n'a pas eu le temps de faire grand-chose.

— Ça ne m'étonne pas.

La conversation tombe à plat. Les sujets que nous évoquons ne sont pas les plus joyeux ou ceux sur lesquels nous avons le plus envie de débattre.

— Tu sais que nous n'avons pas le choix de trouver le remède, n'est-ce pas ? dit-il, le regard dans le vide.

J'acquiesce.

— Si nous ne le récupérons pas, ils ne nous laisseront pas rentrer, je le sais.

— Bien.

Il place une main sur mon épaule, comme pour me souhaiter bonne chance. Son geste est protecteur, presque paternel. Après un dernier regard vers l'horizon, il part rejoindre Nelwen. Durant tout le reste de ma surveillance, les paroles de Tulkàs me reviennent en mémoire. Trouver le remède n'est plus un choix, ni une demande, mais bel et bien une obligation. Si nous revenons sans, nous deviendrons des Fuyeurs. La route pour le volcan est encore longue. J'ai hâte de la reprendre.

Les jours qui suivent s'étirent. La marche est épuisante. Avec Vorondil, nous nous parlons peu. Je l'ai sauvé, mais j'ai l'impression qu'à ces yeux, cela ne suffit pas pour qu'il me pardonne. Lorsque j'essaie d'aller vers lui, il me repousse poliment. Il lui faut du temps.

Nous nous relayons pour aider Lastalaïca à se déplacer. Il a beau avoir essayé de s'aider d'un bâton, cela fait moins bien l'affaire. Au bout du quatrième jour de marche, durant la lune descendante, c'est à Daëron de lui servir d'appui. Nelwen ne parle plus depuis que nous l'avons sauvée. Elle ne répond même pas à Tulkàs. Ses seules interactions sont dans le regard ou dans des gestes lassent. Ses yeux sont vides. Je ne sais pas ce qu'il se trame dans la tête de cette enfant, mais je n'y pressens rien de bon. Comment pourrait-elle bien aller après une expérience aussi traumatisante ? D'après mes observations, son moignon guérit bien. Il ne s'est pas infecté. Parfois, j'ai l'impression qu'elle aurait préféré le contraire.

Avec Vorondil, nous menons la marche d'un bon pas. Chaque jour, le volcan d'Olowen se rapproche. Notre dernière étape avant de trouver le palais d'Arbos pour lui demander son aide.

— Vous allez trop vite, ralentissez, grogne Daëron.

Bien qu'il aide l'Elfe, cela ne le ravit pas. Il est le seul à être de mon avis quant au sort que ce dernier devrait subir. Mais au fur et à mesure des jours, sa haine envers Lastalaïca s'égrène. La mienne grandit. Sans lui, nous serions peut-être déjà arrivés.

QORWIN : Le Remède Mortel [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant