Chapitre 4 - 2

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La pleine lune, aussi blanche que la peau des Greymars, éclaire la Vallée comme en plein jour. Les torches guident mes pas à travers les différents stands des artisans. Le soir est le moment parfait pour l'achat d'objets, car les gens sont trop occupés à participer aux différents jeux qui, eux, n'ont lieu qu'à la nuit tombée. Je me surprends à admirer un bracelet serti de trois morceaux de saphir. Celui-ci est fait par une Greymar. Le peuple minier est arrivé il y a moins d'une heure, mais ils sont déjà prêts à vendre toutes leurs nouveautés. La vendeuse est d'une beauté rare. L'admirer me rappelle la raison pour laquelle son peuple s'orne le corps de pierres précieuses. Ses boucles blondes descendent jusqu'au niveau de ses hanches, encadrant son visage aux courbes douces et faisant ressortir l'émeraude qui remplace son œil droit. Ses doigts entrelacés sont le synonyme même de l'arc-en-ciel grâce aux gemmes qui lui servent d'ongles.

Après le pillage que ce peuple des montagnes a fait à Argorfel —lorsque les Elfes y vivaient avec leurs esclaves, les Magiciens—, ils sont partis se réfugier dans les hauteurs enneigées, par peur de représailles. Ils ont survécu au froid et aux tempêtes. Ils vivaient dans les grottes que la roche leur offrait, très présentes dans la région. Après de longues années de souffrance vint la paix. Mais, habitués à vivre en ces lieux, ils décidèrent de s'y implanter et se proclamèrent « peuple minier ». Ils utilisent les pierres précieuses, pour eux signe de beauté, pour montrer leur richesse selon une marche à suivre très stricte.

Dès leur plus jeune âge, ils partent à la mine. Dès qu'ils trouvent leur premier joyau, ils se font arracher les ongles des orteils pour les remplacer par des morceaux taillés de la pierre trouvée. C'est ensuite au tour des ongles des mains. Plus la pierre remplaçant le phanère est précieuse, plus la personne est respectée, a un poste haut placé et a d'influence sur les choix prit par l'espèce. Les meilleurs miniers, les plus courageux, se font remplacer un œil par une gemme. Pour eux, c'est là le signe ultime de la grandeur et de la beauté. Les pierres sont, entre eux, interdites à la vente et à l'échange.

Je déambule à travers les marchands et ne sais plus où donner de la tête. Nombreux sont les prestataires qui vantent les mérites de leurs œuvres.

— Mademoiselle, une petite pierre à feu ? me demande un homme bedonnant en me tendant ladite chose.

Je refuse poliment d'un geste de la main. J'en ai déjà plus qu'il n'en faut. Ces roches permettent à n'importe qui de faire de belles flammes en y frottant un combustible quelconque. Ce sont les Magiciens de feu qui les créent en y enfermant une infime partie de leur magie. Elles m'ont sauvée plus d'une fois de la menace du froid.

— Qui pour une incroyable robe sertie de rubis et de saphir ? crie une femme. Seulement pour vingt-cinq pièces d'or !

Je manque de m'étouffer avec ma salive face à la somme considérable qu'elle demande. D'autant plus que, de ce que je peux apercevoir du vêtement à travers les gens qui passent, ce n'est pas quelque chose d'incroyable.

— Regardez ces ma-gni-fiques poteries, ne sont-elles pas merveilleuses ?

— Oh Magicienne, vous manque-t-il une petite jauge de pouvoirs ? demande un vieux bonhomme en posant les yeux sur moi.

Je me sens quelque peu flattée. S'il me regarde en prononçant ces mots, peut-être n'est-ce pas si évident que je suis une Narodim. Après tout, si les gens ne voient pas mes dagues, comment peuvent-ils le deviner ? Les Magiciens sentent lorsque de la magie émane d'un être, mais pour ce qui est des autres espèces, elles n'en ont aucune idée. Je regarde le tube de verre qu'il me tend avec envie. J'aimerais presque l'acheter, mais je sais qu'il ne me servira pas. Une jauge de pouvoirs permet aux Magiciens de s'assurer qu'ils n'ont pas trop utilisé leur magie durant la journée.

QORWIN : Le Remède Mortel [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant