Nous rejoignons l'endroit où a eu lieu l'altercation puis filons dans les traces laissées par les assaillants. Elles ne sont pas difficiles à voir, ils étaient nombreux et ont trainé trois corps, autant dire que même le déplacement des montagnes sait être plus discret. Mais il faut faire vite. Comme dis Daëron : une fois la nuit tombée, les avalanches commenceront et nous perdrons notre avantage.
Nous alternons la marche et le galop afin de ne pas trop épuiser notre monture qui n'est déjà pas au meilleur de sa forme. L'animal a maigri depuis notre départ. Certes, il trouve plus de nourriture que nous, grâce à l'herbe sous la neige ou à des feuilles d'arbustes, mais ce n'est rien comparé à ce dont il a besoin. La nuit tombe rapidement. Trop rapidement.
Au galop, je m'accroche fortement à Daëron et nos visages restent proches. Je l'entends malgré le vent qui frôle nos oreilles.
— Il va falloir monter sur les sommets, annonce-t-il
— Continuons encore quelques minutes.
Chaque mètre compte. Si nous montons maintenant, nous pouvons dire adieu à mes amis. Je sens son corps se crisper sous mes doigts. Il est en colère. Il observe la lune qui commence à dangereusement s'éloigner de l'horizon, et tend ses doigts vers elle.
— Dix minutes. Il faut monter.
— Daëron...
— Maintenant. Si tu veux continuer, continue seule, à pied.
Son regard reste porté vers les sommets bien qu'il attende ma réponse. Évidemment que non, je ne vais pas rester plantée seule dans la vallée. Mais j'ai du mal à remballer ma fierté et à accepter sa décision. Il jette un léger regard par-dessus son épaule pour me voir réagir. Quand il voit que je ne bronche pas, il indique au cheval de se remettre en marche d'un bon pas. Au fur et à mesure de notre ascension, j'essaie d'observer les traces des Fuyeurs qui continuent vers l'ouest. Avec un peu de chance, nous ne sommes pas bien loin de leur campement.
— Ils sont proches, confirme Daëron comme s'il lisait dans mes pensées.
— Comment le savez-vous ?
— Sens-tu ?
Je renifle l'air froid à pleines narines.
— Pas vraiment, non.
— L'odeur de fumée.
— Vous êtes sûr que c'est eux, que c'est leur campement ?
— Qui d'autre veux-tu que ce soit ? Généralement, ils chassent proches de leur campement. Nous verrons mieux une fois au sommet.
Nous accélérons, mais le cheval est instable sur la neige fraîche. Nous manquons tomber à plusieurs reprises avant de nous résigner à ralentir l'allure.
— Ça arrive, soupire l'Exilé.
Chaque nuit, il le sent. Il nous prévient toujours quelques secondes avant que ça commence. Ses années d'exil l'ont forgé. Il connaît les montagnes comme une mère son enfant, c'est indéniable. Mon visage se ferme et une sensation de froid intense m'englobe. Nous ne sommes pas au sommet. Nous sommes à l'endroit parfait où il ne faut pas être : sur une plaque. Le grondement sourd s'élève.
— Accroche-toi ! hurle Vorondil en mettant un énorme coup de talon dans les flancs de notre monture.
Il le force à partir au galop alors qu'il glisse sur la neige qui se défait sous ses sabots. Nous n'avons pas le choix. Il faut atteindre le sommet. Si l'avalanche nous emporte alors que nous sommes aussi hauts sur la montagne, c'est la mort assurée. En contre-bas, l'image de la neige qui déferle me pétrifie. Mon corps collé à celui de Daëron, je prie tous les Dieux pour que nous puissions ne pas trépasser. Nous avançons vite. Mon cœur me monte à chaque fois que le cheval glisse. Sa panique le réveille. Il n'avance plus pour nous, mais pour sa propre survie. Nous dépassons la cime des arbres. Tout est plus clair. Les étoiles plus nombreuses. Je regarde les montagnes alentour se déplacer.
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QORWIN : Le Remède Mortel [TERMINÉE]
FantasyA Argorfel, où la magie est banale, les Narodims; des êtres dont les pouvoirs ont été enlevés, sont très peu considérés. Mais lorsqu'une maladie frappe la contrée, c'est pourtant sur l'une d'entre eux que tous les espoirs vont reposer. *** Dans la...