Chapitre 20 - 2

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Je suis surprise de ressentir le froid sous mes fesses. Je réalise soudain être sortie du magma. Les Sanglants qui se trouvent sous mes yeux se mettent alors à fondre pour rejoindre la lave refroidie déjà présente au sol. Le pied du volcan redevient inhabité alors que je suis encore sous le choc. La douleur de mes brûlures s'anime et je me force à me rouler dans la neige. Ma peau me brûle et je ne peux retenir quelques cris de douleur. Daëron et Vorondil font de même. Lorsque je ne suis plus capable d'en prendre, je me rassois.

Nelwen n'a pas bougé. On dirait qu'elle a envie de pleurer, mais que son corps n'est plus capable de lui procurer des larmes. Elle s'écrase sur ses genoux et crie à pleins poumons pour laisser échapper sa douleur. Sa main est contre son cœur comme pour l'aider à battre. Elle hurle le nom de son oncle en lui priant de revenir. Elle est incapable de reprendre ses esprits, incapable de respirer. Je ne peux pas lui demander mieux que ce qu'elle fait déjà. Elle a vécu plus de traumatismes en quelques semaines que je n'en ai eus durant toute ma vie. Vorondil la prend dans ses bras, mais elle reste statique. Ses cris se taisent, mais sa bouche reste ouverte, laissant échapper quelques gémissements douloureux.

Je regarde l'endroit où Tulkàs a disparu, espérant le voir se relever, brandir son épée et courir à notre rencontre. Mais si un être vivant était encore sur le magma, les Sanglants seraient encore là. Je discerne le corps de Tulkàs, recouvert de lave. Nelwen essaie de le rejoindre, mais Vorondil l'en empêche. Si elle y va, les Sanglants ré apparaîtront, et ce sera son tour.

— Partons d'ici, articulé-je difficilement.

C'est le mieux que l'on puisse faire, s'éloigner de cette scène.

— Ça va aller, dit Vorondil à Nelwen. Viens.

Cette dernière reste assisse, les genoux contre son corps en proie aux spasmes. Ses cris se sont tus. Seules quelques larmes silencieuses coulent sur ses joues roses.

— Nelwen... continue-t-il d'une voix plus douce.

Elle lève enfin les yeux vers lui. Ils semblent vides, comme si aucune âme ne possédait ce corps.

— Je vais te porter, d'accord ?

L'adolescente change son regard. On dirait qu'elle souhaite tuer Vorondil. Ses yeux sont emplis de larmes, mais ses sourcils sont froncés. Je peux lire la souffrance sur son visage.

— C'est votre faute, à tous les deux.

Sa phrase me fait l'effet d'un coup de poignard. Non pas, car c'est vil, mais car il y a une part de vérité dans ce qu'elle dit.

— Nelwen, je suis désolée, commence Vorondil. Si tu l'acceptes, nous en parlerons plus tard.

— Attendez, s'exclame Daëron en coupant court la conversation. Où est l'épée ?

Je regarde autour de moi d'un air innocent. Elle a disparu. Mais je réalise que ce n'est pas la seule à ne plus être là.

— Lastalaïca, craché-je en serrant les dents.

— Il ne doit pas être bien loin avec son pied cassé, juge Vorondil. Allez le chercher, je vais m'occuper d'elle.

Nelwen est à nouveau ailleurs. Son regard est plongé dans le vide, elle ne prête aucune attention à notre conversation.

— Éloigne-toi du volcan, nous te retrouverons, assure Daëron.

Son regard se tourne vers moi.

— Es-tu sûre de vouloir venir ?

Durant un instant, j'ai envie de répondre « non ». J'aimerai me reposer quelque part, prendre le temps de digérer ce qu'il vient de se passer. Laisser passer mon état de choc. Mais je ne peux pas. Tulkàs a donné sa vie pour sauver sa filleule, pour sauver cette épée. Je ne peux pas laisser l'objet de sa mort entre les mains d'un malfaiteur. Je lui dois au moins ça.

QORWIN : Le Remède Mortel [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant