Pour la première fois depuis que Tulkàs nous a quittés, j'entends même un léger rire de bonheur. Je pose ma main sur mon épaule et lui offre un regard complice avant de reprendre notre chemin.
— Merci. Pour ça, commence Vorondil en montrant du menton Nelwen et sa nouvelle dague, et pour avoir gravé les flèches. Tu as pris un énorme risque.
— Je ne pouvais pas vous abandonner. Tu aurais fait la même chose pour moi.
Il hoche la tête pour me le confirmer. Je n'émets aucun doute à ce sujet. Nous nous sommes tant de fois protégés durant nos voyages que je sais que cela ne cessera jamais. Il y a ce lien indéfectible qui m'unit à lui. Le genre d'amitié qui s'est construit dans le danger de l'aventure. Ce même genre qui est en train de nous lier à Nelwen et Daëron. Peut-être même à Lastalaïca, dans une moindre mesure.
— Tu as tué un animal, lui fais-je réaliser.
— Oui... soupire-t-il en respirant le bonheur.
Ce poids, qui lui pesait sur les épaules depuis tant d'années, semble avoir disparu. Comme si en tuant son premier animal depuis la mort de sa petite sœur, il lui avait permis de s'en aller vers un monde meilleur. Il s'est permis à lui-même de lui dire adieu.
— Elle serait fière de toi.
Il me remercie d'un signe de tête, un sourire triste dessiné sur son visage.
Le ciel s'éclaircit alors que nous atteignons une immense plaine. Nous sommes encore abrités par les arbres et décidons de passer le jour à proximité de ces derniers. La teinte orangée du soleil levant ne tarde pas à éclaircir les hautes montagnes apiques qui s'offrent à nous, de l'autre côté de la vallée. Celles-ci forment un cercle autour de nous. En face, les sommets se détachent et l'un d'eux est solitaire, laissant un passage de chaque côté pour que nous puissions continuer notre route une fois nous être reposés.
— Il nous faut trouver un abri, déclare Daëron.
— Attendez, intervient Vorondil. J'ai appris à faire quelque chose.
Il se place face aux trois arbres les plus proches de la plaine et tourne ses paumes vers eux. Elles s'illuminent d'un vert feuillage tandis que ses pupilles semblent se changer en jade. Il a pratiqué sa magie. Dans un grincement, une partie des racines s'élèvent vers le ciel pour nous offrir un refuge à l'abri des regards. J'en reste sans voix. Lui qui peinait à faire bouger un arbre arrive maintenant à en déraciner ! Certes, il n'est pas arrivé au point de créer du bois à partir de rien, mais sa magie est tout de même impressionnante. Bien que je sois ravie pour lui, je ne peux m'empêcher d'éprouver un soupçon de jalousie. Mais bientôt, moi aussi je pourrais faire ce genre de choses. Je pourrais contrôler le vent. Ce n'est qu'une question de temps.
— Tu t'es beaucoup amélioré, félicité-je Vorondil en m'installant sous l'un des arbres.
Il m'y rejoint aussitôt. Lastalaïca n'a d'autre choix que de s'asseoir aussi, à seulement deux mètres de moi.
— Je l'ai beaucoup pratiqué pour nous abriter durant le grand blizzard.
— Elle va mieux ? demandé-je en indiquant Nelwen qui s'endort sous les racines d'un arbre non loin de là.
— Si l'on veut. Elle s'est un peu confiée à moi durant ces derniers jours. Elle a juste hâte de rentrer à Morowen.
— C'est pour bientôt. Je le sens.
Je pose mon regard sur la plaine orangée. L'air qui s'infiltre dans mes poumons est pur bien que glacial.
— Moi aussi, je le sens.
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QORWIN : Le Remède Mortel [TERMINÉE]
FantasyA Argorfel, où la magie est banale, les Narodims; des êtres dont les pouvoirs ont été enlevés, sont très peu considérés. Mais lorsqu'une maladie frappe la contrée, c'est pourtant sur l'une d'entre eux que tous les espoirs vont reposer. *** Dans la...