Le combat fait rage. Mes petites lames font d'innombrables victimes. Chacun de leur contact me brûle la peau. Mes poignets sont rouges d'avoir été attrapés et des cloques commencent à s'y former à force de jouer avec le feu. J'ai enlevé mes gants pour ne pas perdre de la dextérité et j'en paie les frais. Chaque mouvement me fait souffrir le martyre, mais je ne lâche rien. Nous tentons d'avancer de front, mais les Sanglants sont trop nombreux. Mes muscles commencent à trembler sous l'effort que je leur impose. Mon souffle est court, mais je n'ai pas le temps de le reprendre qu'une autre bête de lave se jette sur moi et me plaque à terre.
Une partie du magma encore chaud me brûle la nuque tandis que le Sanglant me griffe le visage. J'hurle à la mort et mon instinct de survie embarque. Je n'ai plus le temps de réfléchir, je ne veux qu'une chose : sauver ma vie. Je repousse mon adversaire d'un coup de pied et me relève sur un genou le temps d'en transpercer un autre. Mes mains me brûlent à son contact, mais je ne me concentre plus sur la douleur. Les Sanglants semblent être des ombres que je fais disparaître sans difficulté. C'est le genre d'adversaire qui peut m'avoir par leur supériorité numérique uniquement.
Nous nous éparpillons, mais tentons de ne pas les laisser aller vers Nelwen qui avance derrière nous. Sa lame est bien placée. Elle la tient fermement devant elle, prête à empaler le premier Sanglant qui lui barrera le chemin. Je transperce le corps de l'un d'eux et regarde Nelwen pour vérifier qu'elle est prête. Elle m'offre un signe de tête affirmatif. Du coin de l'œil, je la vois réajuster ses appuis. J'en pousse un vers elle alors qu'elle crie pour l'attirer. Aussitôt, je refais barrage pour en empêcher les autres de passer. Mes lames volent dans les airs autant qu'elles transpercent des corps. Je me sens inarrêtable. J'entre en transe, ne réalisant pas tous mes gestes. Mon champ de vision se rétrécit. Je sens la présence de chaque ennemi autour de moi. Même ceux qui arrivent par les côtés, je les démantèle sans une once d'hésitation. Ils veulent ma vie, j'ai besoin de la leur pour sauver la contrée. C'est un combat à mort. Les cris et les grognements de mes frères d'armes semblent lointains.
Mes bras se font lourds. Je rate ma cible. Alors qu'elle s'apprête à plonger sur moi, une large hache la décapite.
— Tiens encore un peu, m'encourage Vorondil. Nelwen est en train d'extraire l'épée.
Avec sa barbe et ses cheveux roux, il se fond dans le décor du volcan. Sa peau est aussi rouge que la mienne, brûlée par la chaleur et par le contact avec les Sanglants. Ces derniers nous encerclent et nous nous mettons dos à dos. Cette proximité avec Vorondil me rassure. Il me protège et je le protège.
— Je suis désolée... soufflé-je.
— C'est toujours dans les moments les plus adaptés que tu veux avoir des discussions sérieuses, plaisante-t-il en faisant tourner sa hache, prêt au combat.
— Au moins si je meurs, je n'aurai pas de regrets.
— Tu ne vas pas mourir, dit-il d'un ton sec.
Je n'ai beau pas voir son visage, je sais que ses sourcils se sont froncés et que les commissures de ses lèvres sont descendues.
— Tu es prêt ?
— Comme dit Nelwen : allons tuer du Sanglant !
Nous courrons les quelques mètres qui nous séparent des créatures. Je les fais tomber une à une autant que je reçois de brûlures. Mon corps n'est plus qu'une plaque rouge. Si l'adrénaline n'embarquait pas, je serais incapable de bouger à cause de la douleur. L'instinct de survie est le meilleur ami de l'Homme.
Au travers des corps de lave, j'arrive à apercevoir Nelwen qui plonge sa main restante dans le corps du Sanglant ayant absorbé son épée dans son entièreté. Elle hurle de douleur et jette l'arme au loin du cadavre. Elle est recouverte de magma encore rougeâtre.
— Je l'ai ! cri-t-elle à pleins poumons.
Avec Vorondil, nous sommes pris au piège. Les Sanglants nous attaquent de toutes parts. Je suis aux prises avec l'un d'eux lorsqu'une flèche transperce son crâne, m'arrivant entre les deux yeux, à quelques centimètres de ma peau. Daëron et Tulkàs viennent à notre secours. Le champ de bataille est jonché de cadavres sur lesquels je trébuche. Nous nous faisons une allée vers la sortie. Ce n'est plus le temps de se battre, mais de fuir. Nous nous dirigeons vers la neige à toute vitesse. Si nous arrivons à nous éloigner du magma, les créatures ne pourront pas nous suivre. Notre allure est ralentie par nos ennemis, mais nous n'abandonnons rien, nous battant corps et âme.
— À ta droite ! me prévient Tulkàs pour je coupe les jambes d'un homme de lave.
Nelwen est devant nous, essayant tant bien que mal de récupérer sa lame de lave. Elle en est incapable à cause de sa chaleur, mais nous n'avons plus le choix. Il faut partir. Nous nous rapprochons d'elle, tout comme les Sanglants.
— Nelwen ! lui hurle Tulkàs. Cours !
— Je n'arrive pas à la prendre !
Elle n'obéit pas et réessaie de prendre l'arme, sans succès. Souffler dessus ne l'aide en rien. Nous arrivons à toute allure, tuant quelques Sanglants au passage. Ils nous suivent de près. Si elle ne bouge pas, ils vont avoir sa peau, elle le sait. Ce n'est qu'une fois à deux mètres d'elle qu'elle abandonne.
— Je vais la prendre ! lui assure son oncle par-delà le vacarme.
Il enfile son gant en quelques secondes et attrape la lame brûlante sans broncher. Nous ne sommes qu'à quelques mètres de la neige, de la sécurité. Mon pouls bat à mes tempes. Nelwen court le plus vite qu'elle le peut, mais le sol irrégulier a raison d'elle. Elle trébuche et s'écrase par terre tandis qu'une masse de Sanglants arrive sur elle. Le temps d'un souffle, Tulkàs jette l'épée de lave telle une lance pour la planter dans la neige et fait barrière entre Nelwen et les Sanglants. Il tente de mener la bataille, mais ils sont trop nombreux pour lui. Je suis incapable de lui venir en aide, déjà trop absorbée par mon combat.
— Fuis ! hurle notre aîné à sa filleule.
Elle recule, paniquée, puis part en direction de la neige sans se retourner. Je cours la rejoindre non sans regarder en arrière. J'espère voir Tulkàs près de moi. J'espère le voir me dépasser. J'espère le voir en sécurité. À la place, je le vois se battre de toutes ses forces. Il se fait désarmer. Son épée claque sur le sol et bien qu'une bonne distance nous sépare, j'ai l'impression d'entendre le son de sa lame s'échouer. Un tintement strident qui me prend au cœur. Son regard se tourne vers nous et après un léger sourire, il disparaît sous les Sanglants. Son corps est dissimulé sous ceux de lave. Ses cris de douleurs stridents résonnent dans ma tête. Je n'avais encore jamais entendu la mort. Si Daëron ne me tirait pas, je resterais sur place, immobilisée par cette vision. Il doit y avoir une centaine de Sanglants qui s'attroupe autour du corps sans vie de Tulkàs. Je ne le vois même plus. Je vois uniquement la raison de sa mort. Il ne méritait pas ça.
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QORWIN : Le Remède Mortel [TERMINÉE]
FantasíaA Argorfel, où la magie est banale, les Narodims; des êtres dont les pouvoirs ont été enlevés, sont très peu considérés. Mais lorsqu'une maladie frappe la contrée, c'est pourtant sur l'une d'entre eux que tous les espoirs vont reposer. *** Dans la...