Chapitre 10 - 2

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Je remercie la vieille dame puis m'y engage, suivie de près par Vorondil. Déjà, du bruit s'élève à mes oreilles. Une légère lumière venant d'en bas éclaire les marches tandis que derrière, la bibliothèque est remise en place. La force de cette vieille dame m'étonne toujours. La Casse est un endroit bien curieux, différent du marché noir d'Argorfel. Ici, c'est une grotte ronde au plafond haut. Des caisses de bois et des barils sont disposés un peu partout. Tous sont vides, mais essentiels à l'endroit. Les amateurs du marché noir les ont placés ici dans le but de se cacher, ou de se défendre, si un beau jour le roi décide d'intervenir. La Casse est connue de ce dernier, mais il n'y a qu'une centaine de Greymars qui vient ici. Ce n'est pas assez pour déclencher sa colère.

Qui plus est, inconnus sont les Greymars ayant un jour vendu des gemmes à quelqu'un de leur espèce, et c'est ça qui importe à leur souverain. Vendre des pierres précieuses à l'un des leurs signifierait que le vendeur perdrait une partie de son statut social pour faire monter celui d'un autre, ce qui est absurde. Le roi de Morowen en est conscient, et cela le rassure, car durant toute sa vie, son postérieur est assis sur un trône éjectable. Si une personne obtient un jour plus de pierres précieuses que lui, il prendra sa place. Cependant, le roi Tolwideau a fait ce qu'aucun autre auparavant n'a accompli : il s'est fait remplacer les deux yeux par des diamants, en dépit de sa vue. Tous ses ongles en sont aussi sertis. Autant dire que pour arriver à sa hauteur, il faut miner.

— Il y a bien du monde, remarque Vorondil en arrivant en bas des escaliers.

— Plus que d'habitude en tout cas, confirmé-je.

Au centre de la pièce sont disposées circulairement une dizaine de tables derrière lesquelles des acheteurs font leurs affaires. En avant d'eux, nombreux sont les citoyens venant vendre leurs trouvailles. Quand nous arrivons derrière l'une des files choisies au hasard, les Greymars commencent à nous observer. Nos ongles, toujours kératinisés et nos yeux bien en place, nous ne pouvons pas nous faire passer pour une autre espèce que celle des Magiciens. Ils savent ce que nous faisons ici, ils savent ce que nous allons vendre. Car aucun étranger ne vient à la Casse pour échanger un maudit vase contre quelques pièces. La foule s'écarte pour nous laisser libre passage. Bien que je m'y attendais, cette action me perturbe toujours autant. J'ai presque l'impression de les effrayer. Ce n'est que la troisième fois que je viens ici. Donc pas assez pour que tout cela soit une habitude. Arrivée devant l'acheteur, je comprends pourquoi il fait ce commerce illégal. Ses yeux sont aussi réels que les miens et seuls trois de ses ongles sont remplacés par une gemme transparente dont je n'ai aucune idée du nom. Tout ce que je sais, c'est qu'elle n'est pas bien précieuse. Ce qu'on lui apporte là, c'est pour lui digne d'une épée bénite.

Vorondil se poste à côté de moi et prend la prestance qui le définit dans ce genre de circonstances. Il fouille dans sa poche et en sort les trois bijoux qu'il m'a montrés plus tôt dans la semaine. Les pierres sont encore intactes et facilement retirables des bijoux. L'homme nous regarde, déboussolé.

— J'en veux trente pièces d'or, assume Vorondil en déposant ses trésors sur la table en pierre.

L'acheteur tente d'avoir l'air fier, mais ses mouvements transpirent la décontenance. S'il achète ces pierres, sa vie en sera changée.

— Quatorze pièces d'or et trente d'argent, marchande-t-il sans pouvoir contrôler le tremblement dans sa voix.

— Vingt pièces d'or où je repars avec.

L'audace de Vorondil fonctionne. L'acheteur accepte et se met à fouiller frénétiquement dans sa besace. À chaque fois que je viens vendre des pierres ici, je me demande pourquoi je ne me reconvertis pas en voleuse. Vorondil vient de gagner en quelques secondes ce que l'on gagne pour un mois de voyage ! Un mois de danger et d'affamement.

QORWIN : Le Remède Mortel [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant