Chapitre 23 - 2

62 13 1
                                    

Daëron se relève et me regarde. Il a l'air confiant.

— Je sais que toi, tu pourras me comprendre, m'affirme-t-il alors que je ne peux m'empêcher de froncer les sourcils à cette phrase. Je suis l'apprenti de l'Exilé. Le seul qu'il ait eu, avant que je ne le tue.

Cette révélation a le don de me faire sortir mes dagues. Je ne suis plus sûre de rien par rapport à cet homme. Peut-être va-t-il tenter de nous tuer dans quelques secondes. Ce que je sais, c'est que sa mort est la solution. Et cela m'attriste autant que ça me réjouit. Nous l'avons trouvé notre remède. Mais pour cela je dois perdre Daëron. Je ne pensais pas une seconde lui dire adieu, même après avoir quitté les montagnes.

— Il m'a tout appris, mais ne partageait pas mon point de vue. J'ai été obligé de le tuer. J'ai alors pratiqué la nécromancie. Je ne voulais pas libérer toutes les âmes. Seulement celles de mes ancêtres afin de posséder leurs pouvoirs. Mais le contrôle m'a échappé et d'autres âmes sont revenues d'entre les morts. Mais les habitants de la contrée sont incapables de contrôler cette possession. Moi oui.

— Pourquoi vouloir leurs pouvoirs ? l'agresse Vorondil.

— Pour pouvoir trouver le Dieu Arbos et le tuer. Pour pouvoir tuer tous les Dieux.

— Dans quel but ?

Un lourd silence s'installe dans le palais.

— Arbos l'a dit, j'interviens. Pour faire cesser la magie...

Daëron m'offre un sourire complice que je rebute.

— Je suis comme toi, me dit-il. Je suis un Narodim. Je veux faire de ce monde, un monde juste. Sans magie. Un monde où nous ne sommes plus des parias, mais la normalité.

Une étincelle brille dans son regard et durant quelques secondes, je me permets de rêver à ce monde.

— Rejoins-moi dans ma quête.

Vorondil semble paniqué. Il a peur que je me joigne à Daëron, qui me tend littéralement sa main. Et moi aussi, j'en ai peur. Ma raison et mes envies se livrent une bataille sans fin.

— Je sais pourquoi tu es venue chercher le remède. Pour retrouver tes pouvoirs, n'est-ce pas ? Je vous ai entendu en parler.

Je laisse le silence lui répondre à ma place, mais il n'abandonne pas.

— Sauf que si les pouvoirs sont enlevés, ils sont perdus dans le vaste monde, retournent en son centre et ne peuvent être récupérés d'une envie soudaine. Les pouvoirs sont un cadeau donné à la naissance et non pas un jouet à prendre et à laisser.

Un nœud se forme dans ma gorge à l'idée que le Conseil m'ait menti. Qu'à mon retour, je n'ai droit à rien d'autre que deux cents pièces d'or. Ou peut-être est-ce lui qui ment. Je n'en ai aucune idée.

— Qorwin, ne fais pas ça, me supplie Vorondil en secouant la tête.

Un monde de Narodim. Je me permets d'y penser un instant. Je m'approche de Daëron, ignorant les supplications de Vorondil. Son regard se fait doux et son sourire est chaleureux. Je vois sa détermination et son impression de faire le bien.

— Es-tu capable de reprendre les âmes que tu as laissées s'échapper ? demandé-je en priant pour que sa réponse soit positive.

— Tu ne penses pas sérieusement à le laisser vivre ? se décompose Vorondil

J'ignore ce qu'il me dit, j'ignore la détresse sur son visage. Le pommeau de ma dague semble glacial dans ma main, comme si elle prenait vie et me suppliait de ne pas me servir d'elle. Je n'en ai aucune envie. Un trou béant se forme dans ma poitrine rien qu'à l'idée de voir Daëron mourir. Je ne peux pas faire ça. Je ne peux pas tuer un ami. Il m'a menti, mais moi aussi, j'ai déjà menti.

QORWIN : Le Remède Mortel [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant