QORWIN : Le Remède Mortel [TERMINÉE]

Chapitre 21 - 1

J'avance en protégeant mon visage de la violence de la neige. Je resserre les pans de ma veste autour de moi. Il m'est impossible de retenir mes frissons tellement il fait froid. Malgré mes gants épais, je crains ne pas tarder à avoir des engelures sur le bout des doigts. Mes pieds sont congelés, chaque pas me fait souffrir. Le blizzard est d'une violence inouïe. Je ne vois pas à un mètre devant moi. Il m'est difficile d'ouvrir les yeux, la neige volante m'en empêche. Cela fait déjà un bon moment que nous marchons, mais il nous est impossible de trouver un abri tant notre vision est diminuée. Nous continuons d'avancer à l'aveugle, un pas après l'autre.

Des arbres apparaissent dans mon champ de vision uniquement lorsque je suis assez proche pour les toucher, et cela m'effraie à chaque fois. Je fais attention à chacun de mes pas. J'ouvre la marche en avançant à tâtons. Derrière, Lastalaïca est retenu par Daëron. L'épée de lave est accrochée à ma ceinture, je la tiens comme si ma vie en dépendait. Nous avons empêché Nelwen de prendre une quelconque arme, par peur qu'elle fasse quelque chose d'idiot. Vorondil reste donc à ses côtés en tout temps, pour la protéger et la surveiller. Pour l'aider à aller mieux.

Le couvert végétal disparaît peu à peu ce qui rend le blizzard encore plus violent. Durant un instant, j'hésite à continuer dans cette direction. Nous qui sommes à la recherche d'un abri, j'ai plus l'impression qu'on s'en éloigne qu'autre chose. À travers l'air blanc, je devine Daëron qui me fait signe de poursuivre mon chemin.

Le vent me déséquilibre et m'oblige à faire quelques pas sur le côté pour ne pas tomber. Le manque d'arbre permet une augmentation de la luminosité. Bien que cela ne fait pas un changement incroyable, c'est toujours ça de pris. Je me permets d'accélérer mon rythme. Ici, aucune chance de me prendre un végétal en pleine figure. La neige craque légèrement sous mes pieds. Je n'ai jamais marché sur un tel sol depuis que je suis dans les Montagnes d'Arbos. Cela n'augure rien de bon.

Je me baisse et écarte la fine couche de neige présente sur le sol. En dessous d'elle, aucune herbe, aucune roche, contrairement à d'habitude, mais une glace bleue, solide, parcourue de fins traits noirs. Les connexions font sens dans ma tête. Je n'ai jamais vu ça en vrai, mais dans un livre d'école. Lorsque nous étudions les différents écosystèmes de la contrée. Si ma mémoire est bonne, nous sommes sur un glacier. Tout ce dont je me souviens, c'est que des crevasses de plus de dix mètres peuvent être présentes.

— Arrêtez-vous ! hurlé-je à pleins poumons. Arrêtez-vous !

Le tumulte du vent couvre ma voix. Je fais de grands gestes avec mes bras dans l'espoir qu'ils me voient. Rien n'y fait. Je décide d'aller vers eux. Sans que je le voie venir, Daëron me percute de plein fouet. Nous nous écrasons à terre. Son visage est assez proche du mien pour que je puisse l'entendre :

— Lastalaïca tente de s'échapper !

Je vois la corde lui glisser des mains. Je l'attrape aussi pour tenter de ralentir son évasion, mais d'un coup sec, la force de l'Elfe nous propulse en avant. Il est tombé. J'ai l'impression de voler le temps d'une seconde. Ma poigne est forte sur la corde. Je m'imagine déjà chuter dans la crevasse, mais lorsque nous atterrissons, mon visage est à son précipice. Daëron est presque tombé dedans, mais il recule rapidement sans lâcher la corde. Je reste figée quelques instants, le temps de reprendre mes esprits.

— Tire ! m'hurle Daëron.

Je ne vois pas Lastalaïca, la neige volante m'entrave bien trop la vue, mais je sens son poids. Je nous revois en train de remonter Vorondil du sommet de la montagne, lors des avalanches, au début de l'expédition. Du chemin a été parcouru depuis. J'essaie de voir où il se trouve, où est Nelwen, mais je ne les vois pas, ni ne les entends. Par contre, la chevelure brune de l'Elfe apparaît. Il semble encore en vie et bien réveillé. Sa bouche ouverte laisse échapper un cri que je n'entends pas. La corde le tire par les poignets. Je l'ai tellement serrée que ça ne m'étonnerait pas que sa chute l'ait blessé.